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des esprits l’a révélé aux saints et aux justes[1], car il a conservé la part des justes parce qu’ils ont haï et méprisé ce monde d’injustice et qu’ils en ont haï toute l’œuvre et les voies au nom du Seigneur des esprits ; car c’est par son nom qu’ils seront sauvés, et il est le vengeur de leur vie.

On comprend très bien comment des chrétiens sont sauvés par le nom du Christ[2], on le comprend moins bien de ces justes dont le Fils de l’homme se contente de conserver la part dans le ciel. Nos scrupules augmentent lorsque la fin de ce chapitre donne comme motif de la condamnation des pécheurs : « parce qu’ils ont renié le Seigneur des esprits [et son Messie] » [3]. Mais à supposer que tout cela soit antérieur au christianisme, tout le rôle du Fils de l’homme se borne à être révélé. Il n’a pas d’autre fonction active que celle de Juge. C’est à quoi se réduit la ressemblance, sur laquelle on a tant insisté, entre le Fils de l’homme du livre des Paraboles et celui de l’Évangile[4] : « Il (le Seigneur) s’est assis sur le trône de sa gloire, et la somme du jugement a été donnée au Fils de l’homme ». Ce passage rappelle singulièrement saint Jean[5], mais, à supposer qu’il fasse partie des interpolations chrétiennes, c’est constamment l’Élu qui juge[6], probablement sous la superintendance de l’ancien des Jours[7], et il juge même les mauvais anges, Azazel et toute son armée[8] :

« En ces jours, la terre rendra son dépôt, et le schéol rendra ce qu’il a reçu, et les enfers rendront ce qu’ils doivent » [9]. C’est donc la résurrection des bons et des méchants, générale, du moins dans l’horizon de l’auteur qui peut très bien y avoir compris les Gentils. L’Élu choisit les justes et les saints. Les montagnes de fer, de cuivre, d’argent qui symbolisent les royaumes se fondent à son aspect. Il y a là une réminiscence de Daniel[10] ; les montagnes remplacent la statue de différents métaux renversée par la pierre qui devient une montagne. Précisément ce passage nomme l’Élu oint ou Messie. L’auteur

  1. Eph. iii, 5 : aliis generationibus non est agnitum filiis hominum, sicuti nunc revelatum est sanctis Apostolis eius…
  2. Cf. I Cor. vi, 11 ; Actes, iv, 12. Dans Hén. l, 2, les justes sont sauvés par le nom du Seigneur des esprits, ce qui est beaucoup plus normal.
  3. xlviii, 10. Dalman (Die Worte Jesu, p. 221) propose de retrancher « et son Messie ». Cela est très bien vu, mais ces mots ne sont guère plus spécifiquement chrétiens que d’autres. C’est toute une série d’interpolations qu’il faudrait reconnaître, avant tout lii, 4.
  4. lxix, 27.
  5. Jo. v, 22 : « Le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils le jugement tout entier… »
  6. xlv, 3 ; li, 3 ; lv, 4 ; lxi, 8 ; lxii, 2.
  7. xlvii, 3.
  8. lv, 4.
  9. li, 1. (Trad. Martin).
  10. Dan. ii, 31-45.