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dirait d’une scène de l’apocalypse de saint Jean. « Et le Seigneur des esprits demeurera sur eux, et avec ce Fils de l’homme ils mangeront, ils se coucheront et se lèveront pour les siècles des siècles » [1].

Puis on revient à la scène du jugement. C’est en vain que les puissants reconnaissent leur faute ; ils sont entraînés loin de ce Fils de l’homme avec les anges corrupteurs. Ceux qui ont maltraité les élus sont châtiés et les élus se réjouissent de la colère qui les frappe[2].

Et dès lors il n’y aura rien de corruptible, car ce Fils de l’homme a apparu et s’est assis sur le trône de sa gloire, et tout mal s’éloignera et s’en ira de devant sa face ; mais la parole de ce Fils de l’homme[3] restera devant le Seigneur des esprits. Telle est la troisième parabole d’Hénoch.

Chaque fois que reparaît ce Fils de l’homme, les termes eux-mêmes sont plus voisins de l’Évangile, ce qui ne s’explique bien que si ces passages ont été ajoutés par une inspiration chrétienne. Mais cette addition fût-elle prouvée, elle suppose nécessairement le rôle de l’Élu, le même dans les grandes lignes, et cet Élu est bien, lui, d’origine juive. Il est donc certain que dans le monde juif on a conçu cette idée hardie de transporter les espérances messianiques dans une sphère toute céleste. Ce Fils de l’homme existe avant la création du monde ; il jugera au moment fixé par le Seigneur des esprits et sera le chef de la société des élus. Et cependant cet Élu ou bien est celui qu’attendait l’ancien Israël, ou il est destiné à le remplacer et à le faire oublier. Or il n’y a, dans tout le livre des Paraboles, aucune trace de fusion. L’auteur n’a pas voulu combiner son Élu avec un Messie temporel ou le faire naître ou même paraître sur la terre ; il a donc plutôt entendu le remplacer.

On dirait qu’il a voulu faire plus grand qu’un Messie né de David, et pourtant, d’autre part, il a fait moins grand que dans Daniel. L’Élu ou ce Fils de l’homme, en se précisant, s’est un peu éloigné de la Tête des jours. Il est vrai que son nom a été nommé devant le Seigneur des esprits avant que le soleil et les constellations fussent créés[4], mais cette préexistence du nom, même chez les Sémites, n’est cependant pas synonyme d’une existence réelle. Ce qui est beaucoup plus fort, c’est qu’il a existé auprès de Dieu avant la création[5], et qu’il n’est jamais question de sa naissance.

  1. lxii, 13. Cf. Luc, xxii, 29-30.
  2. lxix, 19 (Trad. Martin).
  3. Mc. xiii, 31 et parallèles.
  4. Hén. xlviii, 3 ; cf. xxxix, 6 ; xlix, 2 ; lxii, 7.
  5. Hén. xlviii, 6.