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résulte que le titre de fils n’est pas une fausse traduction du grec παῖς qui signifie à la fois enfant et serviteur, mais une traduction de l’hébreu ben, « fils » comme dans le psaume. Cependant jamais l’auteur lui-même n’emploie le terme de Fils de Dieu. Ce peut être une précaution de respect, puisqu’il ne nomme « Dieu » que rarement. Mais cette atténuation répond sans doute à une distinction réelle:autre chose est que Dieu dise « mon fils », terme qu’il avait déjà employé dans l’Écriture en parlant d’Israël[1] et du descendant de David[2], autre chose que l’auteur nomme carrément le Messie Fils de Dieu[3].

Aussi bien les origines de ce fils demeurent dans le mystère. Il existe déjà, dans le monde où vont les saints après leur mort, et y demeurera jusqu’au temps marqué[4], invisible aux regards de tous ceux qui sont sur la terre[5]. Il est donc tenu en réserve par le Très-Haut, pour l’œuvre qu’il lui destine[6] ; lorsqu’il se montrera, ce sera une révélation[7].

Il n’est nulle part question de sa naissance, et si les versions orientales le disent « de la race de David », ces mots ne peuvent être qu’une interpolation[8]. Il n’est pas dans le goût des apocalypses de préciser ainsi les choses ; aucune de celles que nous avons rencontrées n’a pro-

    bilis sicut vidisti volentes venire et expugnare eum. Ipse autem stabit super cacumen montis Sion… Ipse autem filius meus arguet quae advenerunt gentes impietatis eorum… C’est une preuve que, d’après Esdras, le psaume visait bien, non pas un roi théocratique quelconque, mais la personnalité du Messie à venir.

  1. Ex. iv, 22; cf. Sib. III, 772.
  2. Ps. lxxxix, 28.
  3. Ce terme aurait en effet beaucoup plus de précision, appliqué à une personnalité distincte, que lorsqu’il s’applique au juste, fùt-il le type du juste parfait, comme dans Sap. ii, 13. 16.
  4. xiv, 9 : tu enim recipieris ab hominibus, et converteris residuum cum filio meo et cum similibus tuis usquequo finiantur tempora.
  5. xiii, 52 : Sicut non potest hoc vel scrutinare vel scire quis, quid sit in profundo maris, sic non poterit quisquam super terram videre filium meum vel eos qui cum eo sunt nisi in termpore diei. Tontes les versions orientales offrent le même sens ; super terram ne doit pas se joindre à filium meum comme si le fils était déjà sur la terre, invisible aux regards ; ce sont ceux qui sont sur la terre qui ne peuvent pénétrer le mystère de l’assemblée des saints. Esdras ressemble ici beaucoup au livre des Paraboles.
  6. xii, 32 ; xiii, 26.
  7. vii, 23 ; xiii, 32.
  8. xii, 32. Le latin a seulement : hic est unctus, quem reservavit altissimus in finem ad eos, et impietates ipsorum arguet illos. Le syriaque insère après in finem dierum, qui oritur (ou orietur) ex semine David, et veniet et loquetur ; de même les autres versions orientales. Un copiste chrétien n’avait aucune raison d’omettre ces mots ; il était tout naturel qu’il les ajoutât. M. Vaganay, qui admet l’authenticité, note cependant (l. l., p. 105, note 1) : « Par scrupule chrétien, les versions orientales ont ajouté au ch. vi, 1 : « D’abord par le Fils de Fhomme, ensuite par moi-même ». Elles ont retranché pour le même motif au verset 6 : « Ut et finis per me et non per alium ».