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Le messianisme est donc clairement un temps intermédiaire.

La même distinction des deux mondes se retrouve, encore plus nette, dans la vision du cèdre et de la source. Baruch s’endort et voit pendant la nuit un bois environné de rochers escarpés ; en face une vigne, d’où coule une source. La source arrive jusqu’au bois et grossit, les arbres sont déracinés et enlèvent la crête des rochers ; enfin il ne reste qu’un cèdre. La source adresse de violents reproches au cèdre, qui est consumé, en attendant les dernières tortures. La vigne croît au milieu d’une plaine couverte de fleurs immarcescibles[1].

C’est une allégorie des empires. Le premier empire qui a détruit Sion, c’est-à-dire les Chaldéens, sera détruit par un second empire, et celui-ci à son tour par un troisième (les Perses et les Grecs). Viendra un quatrième empire (l’empire romain), plus dur et plus mauvais que les autres. Le cèdre est le dernier de ses chefs. L’empire du Messie est la source avec la vigne. Dès le début on pressent que la source menace le bois ; c’est sans doute une allusion à la préexistence du Messie. La forêt et les rochers se causent un mutuel dommage. C’est la lutte des nations entre elles avant le duel définitif entre la source et le cèdre, le Messie et l’Empereur. La source tuera le cèdre, le Messie vainqueur régnera sur le reste du peuple dans le pays aimé de Dieu.

La source joue donc ici le rôle du lion et de l’homme d’Esdras : venger les Juifs de l’empire romain et de son chef. Il est plus expressément question du règne du Messie, règne indéfini, mais strictement limité ici par la fin du monde de la corruption[2]. Ce règne n’est donc qu’une pause, et, de même, les tourments des empires païens sont provisoires jusqu’au jour du châtiment définitif, où ils reviendront de nouveau[3], c’est-à-dire se présenteront au Juge après la résurrection.

Si l’image est peu naturelle et même bizarre, les idées sont très nettes. Le rôle du Messie est purement temporaire. De toute façon personne n’a à se préoccuper de lui avant sa venue. C’est le monde futur, non pas celui du messianisme, qui est l’objet des promesses ; c’est ce monde qui ne passera pas, qui demeurera à jamais, qui n’aura pas de fin[4]. On y arrive par les bonnes œuvres ; toute l’espérance

    est interpolé. Cependant, pour n’éliminer que le strict nécessaire, on peut admettre que la fin des temps messianiques est indiquée par le retour du Messie au ciel.

  1. xxxvi-xxxvii.
  2. xl, 3 : et erit principatus eius stans in saeculum, donec finiatur mundus corruptionis, et donec impleantur tempora praedicta.
  3. xxxvi, 10 : … et recumbite nunc in angustia, et quiescite in tormento, donec veniat tempus tuum postremum, quo iterum venies, et magis torqueberis.
  4. xliv, 11 s. ; xlviii, 50.