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Messie y est encore plus restreinte, s’il est possible. « Le Fort » ou le « Très-Haut », — afin de ne pas prononcer le nom de Dieu, — ne le nomme pas « mon fils », mais « mon serviteur ». C’est la terre elle-même qui exerce les vengeances divines ; ceux qui auront échappé à tous les fléaux tomberont entre les mains du Messie ; la terre sainte, au contraire, protège ses habitants. Voilà pour les eaux noires, le côté sombre de l’intervention messianique. Mais si le Messie a détruit certaines nations, il sauvera les autres. Il y aura donc des Gentils admis au bonheur des derniers temps. Ce serait très charitable et très humain, si ce jugement ne dépendait uniquement de l’attitude des nations envers Israël. Celles qui ne l’ont pas connu ou ne lui ont pas fait de mal seront épargnées pour le servir ; les autres seront livrées au glaive. L’âge d’or commence. Il est dit expressément que le Messie sera pour l’éternité assis sur son trône[1], et l’auteur semble ajouter que cet heureux temps sera comme l’aurore du monde futur. Si l’on veut l’accorder avec lui-même, il ne faut point serrer ces expressions de trop près. Les temps messianiques seront des temps d’innocence et de bonheur, le péché sera exclu, et avec lui la douleur qui en est la conséquence ; les femmes enfanteront sans douleur, personne ne mourra avant le temps. On mourra donc encore ; ce n’est point la consommation définitive.

On ne doit point se figurer le monde futur comme la suite de celui-ci, comme si on allait toujours en progressant, et de clarté en clarté ; la pensée de l’auteur est seulement que le temps messianique emprunte au voisinage de l’éternité quelques-unes de ses prérogatives[2]. On meurt tard, en attendant de ne plus mourir. Il n’y a pas d’autre lien entre les temps messianiques et le monde futur ; le Messie, qui règne dans le premier, n’est pas mentionné à propos du second ; son règne sera donc très long, mais non point éternel dans le sens où nous l’entendons.

Si l’on voulait prendre très à la lettre le règne éternel du Messie, on pourrait peut-être compléter la pensée de l’auteur. Il nous a dit aussi que la nouvelle Sion, la Sion glorieuse, sera couronnée à jamais[3].

    neque obliti fueritis legem eius, mutabuntur super vos tempora in bona, et spectabitis consolationem Sion.

  1. lxxiii : Et erit postquam humiliaverit quodcumque est in mundo, et sederit in pace in aeternum super throno regni sui…
  2. lxxiv, quia tempus illud finis est illius quod corrumpitur, et initium illius quod non corrumpitur. ideo ea quae praedicta sunt, illo erunt ; ideo longe est a malis, et prope iis quae non moriuntur.
  3. xxxiii, 4. C’est sans doute celle qui a été cachée près de Dieu, avec le Paradis terrestre.