Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attendent l’avènement de l’Esprit-Saint, et, parmi nous, à ces pieux illuminés qui composaient naguère des brochures sur le Grand Pape et le Grand Roi.

C’est une pure conjecture de leur attribuer un grand ascendant, puisqu’ils n’avaient ni les moyens d’action politiques des Sadducéens, ni la faveur populaire qui faisait une auréole aux Pharisiens[1]. Très souvent la littérature agit moins sur le temps qui la produit que sur les époques suivantes ; cela est surtout vrai des sociétés qui vivent d’autorité, et de l’autorité d’un livre. Il est assez vraisemblable que toute cette littérature artificielle aurait péri, si le christianisme ne s’y était intéressé, parce qu’elle était toute entière tournée vers l’avenir et semblait lui rendre témoignage. Le livre d’Hénoch fait seul exception, à cause de la réputation du patriarche comme savant ; l’histoire de la chute des anges, que l’auteur ne fit probablement que recueillir, devint très populaire sous la forme qu’il lui donna.

Lorsqu’on nous dit que ces compositions contribuèrent à propager et à exciter l’espérance messianique, on peut le concéder, mais dans une très faible mesure, et encore faudrait-il demander de quel idéal il s’agit, puisqu’il a changé si souvent dans les apocalypses.

L’apocalyptique étant moins un corps de doctrines qu’un genre littéraire, on s’explique très bien qu’elle finit par devenir l’organe de rabbins qui n’auraient eu que très peu de sympathie pour les anciennes apocalypses. C’était une nécessité de notre sujet de distinguer les deux sortes d’écrits, mais on a vu comment dans IV Esdras et encore plus dans Baruch, l’attachement à la Loi est le même que chez les docteurs orthodoxes contemporains. A des époques plus basses, l’apocalyptique reparaît encore dans de petits écrits, mêlés aux midrachim, mais qu’on ne peut nommer qu’apocalypses[2]. Il semble qu’ils ont vu le jour à des époques troublées, au moment où le messianisme renaissait, et avec lui les anciens tableaux et l’attente anxieuse des prodiges. Les apocalypses se sont donc perpétuées, toujours orientées vers le messianisme, et cependant il faut nier absolument que celles qui sont antérieures à Jésus marquent une étape vers le christianisme. Tout leur messianisme est réglé d’avance : le Messie fera, les anges feront, il sera fait, aux yeux ébahis de l’humanité. On n’y trouve pas

  1. Il n’y a aucune raison de songer aux Esséniens ; cf. Baldensperger, Die Messianisch-apocalyptischen Hoffnungen des Judenthums, p. 196 ss.
  2. C’est ainsi que M. Jellinek (Bet ha-Midrasch, 2e partie, p. xxi) nomme le petit livre de Zorobabel et celui des signes du Messie. Une recension plus ancienne du dernier, trouvée dans la Gueniza du Caire, a été publiée par M. Marmorstein (Revue des ét. juives, t. LII, p. 176-186) ; il la date des années 628 à 638, après la victoire d’Héraclius sur les Perses.