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la Loi, parce qu’on le veut bien, et dès lors on a droit à la récompense. Les pécheurs, s’ils confessent leur faute à temps, peuvent recourir à la miséricorde et faire appel à l’intercession des justes ; cela ne regarde pas le Messie.

Lorsque le Messie a pris rang dans le monde surnaturel, on le voit chargé de juger, non de sauver personne, et lorsque son temps est bien distinct de l’éternité, et comme une préparation au jugement définitif, même dans ce cas, on ne voit pas qu’il soit pour rien dans le salut éternel de ceux qui sont couronnés. Leurs vertus sont à eux ; il ne les sauve pas comme justes, mais comme Israélites opprimés. Son action lui est personnelle, sans collaboration d’autrui, éblouissante, instantanée, irrésistible. 11 n’est certes pas devenu Dieu, mais il s’est éloigné de l’homme et n’agit pas en homme. Il ressemble beaucoup à un ange, à l’ange qui a exterminé devant Jérusalem 185.000 Assyriens. La scène a un rayon plus étendu et le drame dure plus longtemps, mais c’est le même thème et le résultat poursuivi est le même, quoique agrandi.

La variété, la confusion même qui règne dans les apocalypses ne permet pas de les considérer comme l’œuvre d’une école. Sans doute tous leurs auteurs sont de bons Israélites. Leur foi en Dieu est inébranlable, ils ont le respect de la Loi, ils sont passionnés pour la justice qui doit régner dans le monde futur, celui de la rétribution. Mais c’était là le fond commun des croyances. Nos voyants ont aussi ce trait commun, et pour ainsi dire par définition, qu’ils sont très préoccupés de ce monde à venir, qu’ils l’attendent d’une intervention soudaine de Dieu et sont peu disposés à préparer le règne de Dieu par leurs propres efforts. Mais on a vu combien peu ils sont d’accord sur les modalités de leur attente. Au lieu de constituer une école qui cherche à imposer les doctrines de son chef, ils sont, surtout en ce qui regarde le messianisme, l’écho des croyances de leur temps. Ils évoluent avec lui, au lieu de lui tracer un programme. Le plus grand nombre appartenait sans doute aux Pharisiens, mais non pas tous ; l’auteur de l’Assomption de Moïse les marque de sa haine et de son mépris ; les plus anciens morceaux sont même antérieurs à l’origine de la secte. Même s’ils sont Pharisiens, ils ne se donnent pas comme tels et ils n’ont pas l’autorité que conférait aux scribes la connaissance de la Loi. Obligés de recourir à un masque d’emprunt, ils n’ont pu sans doute qu’assez lentement faire prévaloir leur fiction.

Il est donc tout à fait vraisemblable que leur influence a d’abord été très peu considérable et restreinte à de petits groupes, semblables, dans le protestantisme, aux cercles piétistes ou aux sociétés qui