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motif n’est pas clair. Cependant, lorsqu’il s’agit de règles de droit, le bien de la paix, les bons rapports sociaux sont une raison suffisante et qu’on peut alléguer sans être accusé de fourberie. La loi n’exige pas les dispositions intérieures ; mais elle ne les exclut pas non plus[1].

Il n’y a donc pas là une raison de révoquer en doute la sincérité des rabbins. Mais ce qu’aucune apologie ne peut voiler, c’est le nationalisme ardent d’Israël. Un de ses défenseurs, M. Perles, a cru l’atténuer, ou plutôt le rehausser, en le rattachant à la gloire de Dieu même. D’après ce savant, les Juifs croyaient avoir dans leurs mains l’honneur de Dieu. Du jour où la nation ne fut plus officiellement qu’une communauté religieuse, tout crime reproché à un Juif retombait sur la communauté et passait pour un fruit de la religion[2].

De même les vertus des Juifs faisaient une bonne réputation au Dieu d’Israël, et, pour employer l’expression technique, sanctifiaient son nom[3]. « Cette pensée, dit M. Perles, domine toute la doctrine juive et a toujours été la force impulsive la plus agissante sur sa vie morale ; par rapport à celle-là, les autres fondements eudémonistiques de la moralité, les promesses de récompense dans ce monde ou dans l’autre n’entrent pas en comparaison » [4]. Et il n’est pas, en effet, de ressort plus noble. Mais ce mobile n’est-il même pas trop relevé pour des âmes ordinaires ? M. Perles a-t-il réfléchi que, pour que les tares d’Israël ne fussent pas imputées à Dieu — ni même à ses fidèles, — il suffisait qu’elles ne fussent point connues, et que, pour la plus grande gloire de Dieu, on était naturellement conduit à glorifier le judaïsme ? De là, s’il faut, en effet, lui supposer une intention si parfaite, — et c’est peut-être une concession peu justifiée, — cette apologie passionnée de la race qui est la marque distinctive de ses écrivains. On a souvent entendu Israël confesser bruyamment ses fautes devant Dieu ; il répugne beaucoup plus à se donner tort devant les hommes. Un chrétien n’hésitera pas à reconnaître les fautes de son clergé ; les rabbins ont toujours été irréprochables aux yeux des Juifs fidèles. Or, comme ils ne peuvent avoir été si constamment au-dessus de l’humaine nature, ils ont donc pris un masque.

Il n’est point ici question de leur faire leur procès, mais de constater que l’habitude de la dissimulation, jointe à la flatterie, si naturelle à des vaincus qui entendaient demeurer des privilégiés, expliquera parfaitement leur attitude dans leurs rapports avec l’empire et avec le

  1. Cf. Perles, Bousset’s Religion des Judenthums, p. 61, n. 2.
  2. C’était une profanation du Nom, c’est-à-dire de Dieu : חילול השם.
  3. קדוש השם.
  4. Perles, l. l., p. 70.