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fondé sur son droit de Créateur. Les Targums eurent donc soin de remplacer l’inauguration d’un règne nouveau par la manifestation du règne immuable, et c’est justement ce terme de « manifestation » qui a été pris par certains exégètes comme l’indice d’un avènement instantané et fulgurant !

C’est ainsi que le Targum des prophètes remplace assez souvent la présence de Dieu, ou l’annonce qu’il régnera, par la simple reconnaissance du règne de Dieu. Quand Isaïe disait, à propos du retour de la captivité : « voici votre Dieu », le Targum traduisait : « le règne de votre Dieu sera manifesté » ou reconnu[1]. « Ton Dieu règne[2] », dans la même circonstance, devient : « le règne de ton Dieu est manifesté ». Michée disait aussi de la montagne de Sion : « Iahvé régnera sur eux[3] » ; Targum : « le règne de Ia sera manifesté ».

Isaïe[4] exprime par la descente de Iahvé le secours divin dans une circonstance contemporaine ; c’est encore, dans le Targum, la manifestation de son règne. A plus forte raison en est-il ainsi lorsque l’horizon s’étend à des perspectives indéfinies, comme dans Abdias[5] : « le règne appartiendra à Iahvé », traduit : « le règne de Iahvé sera établi pour toujours », ou dans Zacharie[6] : « et Iahvé sera roi sur toute la terre », traduit : « le règne de Iahvé sera reconnu de tous les habitants de la terre ».

Dans le midrach du Cantique[7], le règne de Dieu succède aux autres règnes, et coïncide, semble-t-il, avec la rédemption d’Israël : « le temps est venu pour Israël d’être délivré ; le temps est venu pour les non-circoncis d’être coupés, le temps est venu pour le royaume des Cuthéens — entendez des Romains — d’être aboli ; le temps est venu pour le règne du ciel d’être manifesté[8] ».

On ne peut donc pas douter que le règne de Dieu ou de Iahvé, comme dit le Targum, ou le règne du ciel, comme préfèrent les rabbins, ne soit employé des temps messianiques, pourvu qu’on constate bien que la nouveauté consistera surtout à reconnaître le fait existant du règne de Dieu. Le terme de « révélation » ou de « manifestation » est ici trop fort. A plus forte raison ne faut-il pas traduire : le règne

  1. Is. xl, 9 : הנה אלהיעם ; targ. : יתגלית מלכותא דֵלהכון.
  2. Is. lii, 7 : מלך אלהיך ; targ. : אתגלית מלכותא דאלהיך.
  3. Mich. iv, 7 : ומלך יהוה ; targ. : ותתגלי מלכותא דייי.
  4. Is. xxxi, 4 : כן ירד יהוה ; targ. : כן תתגלי מלכותא דייי.
  5. Abdias, vers. 21 : והיתה ליהוה המלוכה ; targ. : ותהי מלכותא דייי קים לעלם.
  6. Zach. xiv, 9 : והיה יהוה למלך ; targ. : ותתגלי מלכותא דייי.
  7. Sur ii, 2.
  8. Dans Lévy (Dict.), s. v. מלכות.