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de Dieu fera son apparition, comme s’il existait déjà, tout prêt à entrer en scène, ainsi qu’un monde nouveau qui succéderait à un monde vieilli. Le verbe qu’on traduit en latin revelare signifie seulement que le règne sera reconnu, accepté. C’est une tournure du Targum pour éviter de mettre Dieu en acte trop directement : au lieu de dire qu’il viendra, on dit qu’il sera vu, ou reconnu[1]. Au lieu d’insister sur la création d’une quantité nouvelle, l’expression, bien comprise, marque plutôt que tout le changement est dans l’esprit des hommes désormais mieux éclairés. Tout cela est parfaitement cohérent, et même clair.

L’expression « le règne de Dieu sera dévoilé, ou apparaîtra », a pu prendre un autre sens, surtout en grec, ou dans un contexte apocalyptique ; mais la preuve de cet autre sens sera toujours à faire ; d’une façon normale le règne de Dieu, présent ou futur, et à la fois présent et futur, a un principe transcendant, et son exercice sur la terre résultera d’hommages librement rendus.

Comme on a pu le constater par les exemples tirés de l’A. T., ou des Jubilés, ou des psaumes de Salomon, il n’y a rien là de bien nouveau. Les docteurs n’ont pas changé leur concept du règne de Dieu sous l’impulsion de telles ou telles circonstances, par exemple de leurs désillusions messianiques après Bar-Kokébas. C’est bien le concept qui devait être répandu en Palestine au temps de Jésus. Lors même que le messianisme était le plus nettement regardé comme un règne, il était expressément rattaché au règne de Dieu.

Le règne de Dieu, ayant son point de départ au ciel, devait y avoir son terme. La plus simple réflexion suggérait que Dieu était surtout maître chez lui. Si donc il y avait un monde à venir, séjour des bienheureux auprès de Dieu, il devait, par excellence, être placé sous le règne de Dieu.

Le livre de la Sagesse avait fait une place à cette expression[2].

La littérature rabbinique y est arrivée elle aussi, mais, semble-t-il, très tard. Si c’est bien au monde de l’au-delà que font allusion les prières citées par M. Dalman, toujours est-il qu’elles ne remontent pas à une haute antiquité[3].

Peut-être est-ce parce que l’idée de roi était, par son origine, une

  1. Is. xl, 10 ; cf. Is. xxxiii, 21, où אדיר יהוה est rendu תתגלי גבורתא דיי et Is. xxxiii, 10 : « maintenant je me lèverai » devient « alors je me manifesterai ».
  2. Cf. RB., 1907, p. 102 ss.
  3. « Le règne appartient à Iahvé dans ce monde et dans le monde à venir » dans Maḥzor Vitry, 343 = (Dalman, l. l., p. 82). Le monde à venir peut être le temps messianique : דיי היא מלכותא בעלמא הדין ובעלמא דעתיד למיתי.