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salut du peuple. Chacun ne pouvait entrer dans la vie qu’au moment du jugement. La difficulté de concilier ces deux idées a longtemps pesé, même sur la théologie catholique[1] ; elle découle de l’origine distincte et de la valeur propre des deux concepts. Ce n’est pas une raison pour supposer que les psaumes de Salomon appartiennent à des auteurs différents, ni pour confondre des idées distinctes en les expliquant, ou plutôt en les dénaturant l’une par l’autre. Il faut les noter telles quelles et aussi la difficulté de les ramener à l’unité.

Les psaumes de Salomon croient donc à une vie éternelle, que les justes méritent par leurs bonnes œuvres ; ils croient aussi au règne du Messie, mais ils n’ont noué aucun rapport ni entre ces deux existences, ni entre l’action du Messie et le mérite des justes. En d’autres termes, d’après eux, la vie future, précédée de la résurrection, appartient au domaine de l’eschatologie definitive, non du messianisme.

C’est précisément la manière de voir du quatrième livre d’Esdras que nous rappelons ici pour montrer combien il coïncide avec la doctrine pharisaïque. Après la mort du Christ, le monde ou le siècle reviendra pendant sept jours au silence primitif.

Et après sept jours, le siècle qui n’est pas encore éveillé surgira, et celui qui est corrompu mourra[2].

Puis vient la résurrection, la géhenne et le paradis apparaissent. Dieu juge, et c’est le commencement du siècle futur[3]. Le jour du jugement est précisément placé entre ce temps-ci et le temps immortel, c’est-à-dire entre le monde présent et le monde à venir[4].

Dieu promet à Esdras le paradis et le siècle futur ; il ne lui parle pas d’assister aux temps messianiques[5].

L’apocalypse de Baruch est encore beaucoup plus formelle. Le monde présent est constamment le monde du mérite ; le monde futur est le monde de la récompense. Reprenant l’idée du trésor amassé auprès de Dieu, l’auteur nous montre les justes quittant ce monde sans crainte parce qu’ils espèrent recevoir le monde qu’il leur a promis[6].

  1. On a soutenu jusqu’au temps de Jean XXII que la vision béatifique ne commençait qu’après la résurrection.
  2. IV Esd. vii, 31.
  3. vii, 47 : Et nunc video quoniam ad paucos pertinebit futurum sæculum iocunditatem facere, multis autem tormenta.
  4. vii, 113 : Dies autem iudicii erit finis temporis huius [et initium] futuri immortalis temporis, in quo pertransivit corruptela…
  5. viii, 52.
  6. xiv, 12 : iusti enim bene sperant finem, et sine timore ab hoc domicilio proficiscuntur, quia habent apud te vim operum custoditam in thesauris. 13 Propter hoc etiam ipsi sine timore relinquunt mundum istum et fidentes in laetitia sperant se recepturos mundum quem promisisti eis.