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L’opposition est bien marquée entre les deux mondes. Tous deux sont pour les justes : l’un est le théâtre d’une lutte pénible pour le bien ; l’autre est une couronne de gloire[1]. Le monde nouveau sera un supplice pour les méchants, mais la vie pour les justes[2] ; il sera la propriété des justes, tandis que les autres iront dans le feu[3]. Ce sera, comme dans les psaumes de Salomon, un monde de lumière pour les bons[4], qui seront transfigurés afin d’y prendre part[5].

On voit à quel point ce monde à venir préoccupe l’auteur de Baruch, qui se soucie beaucoup moins du Messie. Le Messie se révélera quand il plaira à Dieu ; nul ne sait s’il mérite d’entrer dans son règne. D’ailleurs, ce règne fait partie du monde de la corruption et par conséquent précède le siècle futur. Cela n’empêche pas le règne du Messie de durer indéfiniment, comme précédemment[6] le salut d’Israël[7].

Il va de soi que cette durée indéterminée n’est point synonyme de la durée sans fin du monde à venir ; Baruch le dit ouvertement, et il faut le sous-entendre dans les psaumes de Salomon.

Le règne du Messie sera un épisode de l’histoire de ce monde qui viendra en son temps ; ce dont les justes doivent se préoccuper, c’est d’être jugés dignes du monde à venir.

La littérature rabbinique a un terme classique pour désigner la vie future : c’est le monde qui vient, ha-‘olâm hab-bâ[8]. ‘Olâm, que nous rendons ici par « monde », a d’abord signifié le temps, considéré dans sa masse mystérieuse du passé ou de l’avenir. 11 forme ainsi un bloc, une période, d’où le sens de « monde à une certaine époque », et enfin « le monde ». Le même mouvement dans la signification s’est produit pour le grec αἰών[9], et pour le latin sæculum, quoique, dans ces deux langues, le sens de monde ne soit pas devenu, comme en hébreu et en arabe, le sens dominant. En hébreu on peut marquer le moment du passage, c’est le temps du Siracide.

  1. xv, 8 : Mundus iste enim est eis agon et molestia in labore multo ; et ille qui futurus est, corona in gloria magna.
  2. xliv, 12.
  3. xliv, 15 : istis enim dabitur mundus venturus : domicilium autem reliquorum multorum in igne erit.
  4. xlviii, 50 : Vere enim sicut in tempore modico in hoc mundo, qui praeterit, in quo vivitis, laborem multum pertulistis ; ita in mundo illo, cui finis non est, accipietis lucem magnam.
  5. li, 3.
  6. Ps. Salom. xii, 7-8.
  7. xl, 3 : et erit principatus eius stans in saeculum, donec finiatur mundus corruptionis, et donec impleantur tempora praedicta.
  8. הָעוֹלָם הַבָּא.
  9. L’expression ὁ μέλλων αἰών est déjà dans Démosthène, 295, 2.