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monde présent ; le soleil qui éclaire tout, la pluie qui féconde, la génération n’y ont point de part. On peut en juger par les paroles de trois grands maîtres au lit de mort de R. Éliézer b. Hyrkanos. R. Aqiba lui dit : « O maître, tu es plus cher à Israël que le don de la pluie, car la pluie donne la vie seulement en ce monde, et tu leur donnes la vie dans ce monde et dans le monde à venir »[1]. Éléazar b. Azaria dit : « O maître, tu es plus cher à Israël que père et mère, car le père et la mère introduisent l’homme dans ce monde, mais tu nous guides dans ce monde et dans le monde à venir »[2]. R. Tarphon dit : « O maître, tu es plus cher à Israël que le globe du soleil, car il ne donne de lumière que dans ce monde, mais tu donnes de la lumière dans ce monde et dans le monde à venir »[3].

R. Iehouda le saint comparait les justes aux étoiles. Il disait à propos des degrés du psaume cxxi, 1 :

Le pluriel fait allusion aux rangs des justes dans le monde à venir, dont les uns seront au-dessus des autres. Cependant il n’en résultera entre eux ni inimitié, ni envie, ni jalousie ; car ils seront (Dan. xii, 3) semblables aux étoiles. De même qu’entre les étoiles, il n’y aura plus alors entre les justes ni inimitié, ni envie, ni jalousie, et comme la lumière d’une étoile n’est pas égale à celle d’une autre, les pieux seront différents les uns des autres[4].

Ainsi le péché sera exclu du monde à venir, et même la racine du péché, ce mauvais penchant auquel répondait peut-être, dans la pensée de R. Éléazar b. Sadoq, les branches de l’arbre qui inclinent vers le sol impur. Plus d’un siècle après, R. Iehouda disait, en parfaite harmonie avec le vieux maître : « Le mauvais penchant dans l’homme ressemble à quelqu’un qui voit qu’il va être condamné pour vol ; et comme il ne peut plus échapper, il dénonce ses compagnons de voyage comme complices ; ainsi raisonne le mauvais penchant : puisque je suis condamné à périr dans le monde à venir, je veux faire périr l’homme avec moi »[5].

Ce sont là des idées très spirituelles sur le monde à venir ; nous en retrouverons de semblables. Parfois on semble attribuer à ce monde une sorie de perfection sensible. Par exemple R. Éléazar Khisma pensait qu’on trouverait de la manne le jour du sabbat dans le monde à venir[6], et R. Néhémie parle de la bonne odeur de tout ce qui

  1. Bacher, Tann. I2, p. 162.
  2. Ibid., p. 213.
  3. Ibid., p. 345.
  4. Bacher, Tann. II, p. 482, citant Sifrê sur Dt. xi, 21 (§ 47).
  5. Bacher, Tann. II, p. 461, citant Aboth di R. Nathan, c. 16 vers la fin.
  6. Bacher, Tann. I2, p. 369.