Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prépare-toi dans le vestibule pour être admis dans le triclinium »[1]. Le monde à venir est donc une région distincte où l’on entre en sortant de celui-ci, pour être admis au banquet.

La même pensée de connexion actuelle entre les deux mondes était exprimée d’une manière encore plus originale et plus profonde par Éléazar b. Sadoq, qui a vécu avant la chute du Temple :

A qui ressemble l’homme pieux dans ce monde ? A un arbre qui est tout entier dans un lieu pur, quoique ses branches inclinent vers un lieu impur ; quand on coupe les branches, l’arbre n’est plus que sur uu lieu pur. C’est ainsi que le saint, béni soit-il, envoie des épreuves aux pieux dans ce monde, afin qu’ils héritent un jour le monde à venir, comme il est dit (Job, viii, 7) : ton commencement est médiocre, mais ton avenir sera très grand. A qui ressemble le coupable en ce monde ? A un arbre qui est tout entier sur un lieu impur, inclinant seulement ses branches sur un lieu pur. Ainsi Dieu répand sur les pécheurs du bonheur en ce monde, pour les repousser ensuite de la vie, et leur donner en partage le degré le plus bas, comme il est dit (Prov. xiv, 12) : Il y a un chemin qui paraît direct à l’homme, mais son terme est le sentier de la mort[2].

La comparaison se transformerait très aisément en une allégorie qui décrirait le juste, déjà planté dans le monde à venir, où il se trouvera tout entier lorsque la mort l’aura débarrassé de son feuillage, qui sur la terre incline vers le mal.

Le monde à venir est en effet un monde tout à fait distinct du monde du péché, de la corruption et de la mort.

L’un passe, et même ne dure qu’un instant ; l’autre est éternel.

Éliézer b. Hyrkanos, disciple de Hillel, était célèbre pour la sévérité de ses maximes. Ses disciples lui demandaient ses conseils, afin d’être dignes du monde à venir[3].

Ils n’étaient pas toujours aussi dociles. Un jour de fête, qu’ils avaient quitté son cours, il leur reprocha « d’abandonner la vie éternelle pour s’occuper de la vie d’une heure ». Le contraste entre le temps et l’éternité ne pouvait être marqué avec plus de force[4].

Au dire de R. Iehouda, Aqiba, son maître, exprimait la même idée en interprétant le psaume xcii du grand jour du monde à venir ; ce jour sera « tout entier un sabbat »[5].

Les conditions du monde à venir seront bien différentes de celles du

  1. Aboth, iv, 16. R. Jacob vivait vers la fin du second siècle, Bacher, Tann. II, p. 395.
  2. Bacher, Tann. I2, p. 49, citant b. Qiddouchin, 40b.
  3. Bacher, Tann. I2, p. 97, citant b. Berak, 28b.
  4. Bacher, Tann. I2, p, 103, citant b. Beṣa, 15b : שמניהים חיי עולם ועוסקים בחיי שעה.
  5. Bacher, Tann. I2, p. 329, dans b. Roch ha-chanah, 31a : מיום שכולה שבת.