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du moins le déduire d’une discussion entre R. Khyia et R. Simon ben Rabbi sur l’âge auquel les enfants étaient susceptibles de la vie éternelle[1]. Le premier disait : aussitôt que l’enfant est né[2] ; le second : aussitôt qu’il peut parler[3]. On est très surpris qu’il ne soit pas ici question de la circoncision.

Nous avons donc constaté de graves divergences relativement au temps de la résurrection et quant à sa relation avec l’époque messianique. M. Klausner la regarde comme tellement liée au monde de l’au-delà qu’il ne veut même pas en traiter dans son étude sur le messianisme au temps des tannaïtes[4]. Au contraire, M. Rabinsohn n’a pas craint d’écrire : « Mais il ne s’agit pas, comme dans le Mazdéisme, les apocalypses et le Nouveau Testament, d’une résurrection comportant la naissance d’une humanité nouvelle, tout à fait différente et perfectionnée, exempte de besoins et de défaillance. Il est seulement question d’une réparation pure et simple de l’œuvre de la mort, afin de pouvoir permettre aux générations défuntes de jouir elles aussi de l’heureux avenir d’Israël »[5].

Ces deux opinions sont trop absolues en sens contraire. Il est vraisemblable qu’à la fin du premier siècle et au début du second il n’y avait aucune divergence doctrinale grave entre les auteurs des apocalypses d’Esdras ou de Baruch, si pénétrés des idées du judaïsme pharisien, et les autres maîtres en Israël. On suivait la ligne des psaumes de Salomon. Le changement se fit plus tard. Les Pharisiens se mêlèrent peu à la révolte de l’an 70, et le gros du parti fut mécontent de l’attitude des chefs de l’insurrection. Sous Hadrien, plusieurs rabbins, R. Aqiba en tête, se soulevèrent avec Bar-Kokébas ; parmi ceux mêmes qui demeurèrent paisibles, plusieurs furent martyrs de leur attachement à la Loi et aux Écritures.

Peut-être est-ce à partir de ce moment qu’il parut plus conforme à la justice de Dieu de ressusciter ces martyrs et les autres justes avant les temps messianiques. Quelques-uns prirent ce parti, et cela devint une doctrine assez assurée du judaïsme.

Toutefois ce n’était pas une raison pour confondre les temps messianiques et la vie éternelle, — les deux concepts étaient désormais trop distincts, — ni même pour abandonner le lien entre la résurrec-

  1. Bacher, Tann. II, p. 528.
  2. D’après ps. xxii, 31.
  3. D’après ps. xxii, 32.
  4. Die messianischen Vorstellungen des jüdischen Volkes im Zeitalter der Tannaiten.
  5. Le Messianisme dans le Talmud et les Midraschim, p. 92 (Paris, 1907).