Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/209

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Cependant on ne saurait affirmer qu’elle avait prévalu dans le judaïsme. Peu après l’endroit qui semblait donner raison à R. Josué, le Talmud de Jérusalem reprend les thèmes que nous connaissons déjà[1] :

Quand sera-ce ? — Quand vous voudrez, Dieu voudra aussi ; à vous de l’invoquer. — Quel obstacle y a t-il à notre salut ? — Il ne manque que le repentir, répondit-il[2]… R. Aḥa dit au nom de R. Tanḥoum b. Hiya : Si Israël se repentait un seul jour, aussitôt le Messie viendrait, selon ces mots (Ps. xcv, 7) : En ce jour, si vous écoutiez sa voix. R. Lévi dit : Si Israël observait un seul sabbat en règle, aussitôt le Messie viendrait, etc.

Mais Israël n’était jamais sûr de ses propres dispositions, et demeurait dans l’incertitude.

Ainsi donc le seul signe incontesté de la venue du Messie, c’était une extrême misère des temps. Il était loisible à chacun d’insister sur tel ou tel point particulier : la prédominance des traîtres, la diminution des écoliers, la pauvreté, le désespoir lui-même, lorsque Israël se serait vu sans chef et sans sauveur[3]. On avait connu tous ces maux, mais on pouvait craindre pire, et rien ne venait. Aussi quelques-uns demandaient des signes positifs, des symptômes avant-coureurs plus précis. La prudence des rabbins ne se prêtait guère à ces impatiences. Tout le monde convenait qu’il fallait que Rome fût vaincue, mais quelques-uns la jugeaient avec raison très solide. José ben Qisma était de ce nombre. Il avait conseillé à son ami Khanina ben Teradion d’obéir aux édits et de fermer son école ; il vivait en bonne intelligence avec les autorités de l’Empire, estimant que c’était folie aux Juifs de l’attaquer de front. La tradition a conservé le souvenir d’un de ses entretiens avec ses disciples sur le moment de la venue du Messie[4] :

Les disciples de Rabbi José ben Qisma lui dirent : Quand viendra le fils de David ? — Il leur dit : Je crains que vous ne me demandiez un prodige. — Ils lui dirent : Nous ne te demandons pas de prodige. — Il leur dit : Quand cette porte sera tombée et aura été rebâtie, et sera tombée [encore] et aura été rebâtie, et sera tombée et aura été rebâtie], et sera tombée et qu’on ne pourra plus la rebâtir, le fils de David viendra. — Ils lui dirent : Notre maître, donne-nous un signe (prodige). — Il leur dit : Et pourtant vous disiez que vous ne me demandiez pas de signe ? — Ils lui dirent : Quand il en serait ainsi ? — Il leur dit : Comme preuve qu’il en sera ainsi, que les eaux de la grotte de Panéas se changent en sang ! et elles se changèrent en

  1. Talmud Jér., trad. Schwab, t. VI, p. 144.
  2. Siméon b. Iokhaï, enseignant ses disciples.
  3. Sur ces différentes opinions, cf. Klausner, l. l., p. 40 ss.
  4. Bien expliqué par Bacher, Tann… I2, p. 398.