Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/208

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quelles que fussent les dispositions d’Israël. Chacun apportait des textes à l’appui de son opinion.

Voici comment le Talmud de Babylone exposait cette argumentation[1] :

R. Eliézer disait : Si Israël fait pénitence, il sera racheté, mais sans cela il ne sera pas racheté. Rabi Josué [b. Khanania] lui dit : Si donc ils ne font pas pénitence, iis ne seront pas rachetés ? R. Eliézer lui dit[2] : Dieu leur imposera un roi dont les décrets seront durs comme ceux d’Aman, de sorte qu’Israël fera pénitence, et reviendra au bien.

D’après un autre tanna, R. Éliézer dit : Si Israël fait pénitence, ils seront rachetés, car il est dit (Jér. iii, 22) : faites pénitence, fils infidèles, et je guérirai vos infidélités. R. Josué lui dit : N’est-il pas dit aussi (Is. li, 3) : vous avez été vendus pour rien, et vous serez rachetés sans argent ? Vous avez été vendus pour rien s’entend du culte des astres ; vous serez rachetés sans argent [veut dire] sans pénitence et sans bonnes œuvres. R. Éliézer répondit à R. Josué : Et n’est-il pas encore écrit (Mal. iii, 7) : Revenez à moi, et je reviendrai à vous ? R. Josué lui répliqua : Et n’est-il pas aussi écrit (Jér. iii, 14) : je suis votre maître, et je vous prendrai l’un d’une ville, et deux d’un clan, et je vous ramènerai à Sion ? R. Éliézer lui dit : Et n’est-il pas dit aussi (Is. xxx, 15) : vous serez sauvés si vous vous convertissez et demeurez tranquilles ? R. Josué dit à R. Éliézer : Et n’est-il pas dit aussi (Is. xlix, 7) : Ainsi parle Dieu, le rédempteur et le saint d’Israël, au méprisé, à l’horreur des nations, à l’esclave des souverains : Des rois verront et des princes se lèveront et adoreront[3] ? R. Éliézer lui dit : N’est-il pas dit aussi (Jér. iv, 1) : si tu te convertis, Israël, parole de Dieu, tu te convertis à moi ? R. Josué lui dit : N’est-il pas dit aussi (Dan. xii, 7) : et j’entendis l’homme vêtu de lin qui était au-dessus des eaux du fleuve et il leva sa main droite et sa main gauche vers le ciel, et il jura par celui qui vit éternellement que ce serait dans un temps, des temps, et une moitié [de temps], et que, quand la force du peuple saint serait entièrement brisée, toutes ces choses s’accompliront, etc. ? Et R. Éliézer garda le silence.

R. Eliézer s’avouait donc vaincu. Les textes qu’il avait cités étaient des appels à la pénitence ; ils n’excluaient pas l’intervention de Dieu à son heure. Dans le Talmud de Jérusalem, R. Josué découvre mieux sa pensée : Dieu aura pitié des Israélites et les délivrera, « cet acte de délivrance étant un de ses attributs, comme l’est la chute de la pluie ». Dieu donne la pluie aux pécheurs et aux justes, sa bonté ne dépend pas des actes de l’homme. Telle est la raison profonde que R. Josué avait su tirer des textes de l’Écriture.

  1. b. Sanh. 97L et W (dans le Talmud de Jérusalem, Ta’aIIIth, trad. Schwab, t* VI, p. 142 s.). Le texte hébreu de S an h. est trop long pour être reproduit ici.
  2. D’après le Talmud de Jêr. ; celui de Babylone porte « mais et attribue ce qui suit à Josué* La leçon moins bonne, a pu naître d*uuc fausse lecture de rabrévîatîon ŸK (Lét’I, Rucher, Klausner),
  3. R. Josué suppose que si Israël est abaissé, c’est donc qtTil était pécheur : sans Iransition, les rois se prosternent, étonnés de sa gloire.