Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Encore est-il que lorsqu’il met en scène la Providence, il aime à laisser le choix entre l’intervention divine et la Fortune, ou le Destin, ou le cours des causes naturelles[1].

Le souci de ne présenter aux lecteurs étrangers à la religion juive aucun concept qu’ils ne pussent en quelque façon s’assimiler, devait le gêner beaucoup lorsqu’il s’agissait du messianisme, qui avait ses difficultés spéciales.

C’était à la fois l’accomplissement des prophéties et un rêve national.

Comme terme et accomplissement d’anciens oracles, le messianisme n’avait rien de choquant pour un païen. La prédiction de l’avenir, surtout la prévision d’événements déterminés, tient beaucoup plus de place dans l’histoire des cités grecques que dans celle d’Israël. On n’a rien entrepris d’important en Grèce sans l’avis du sanctuaire de Delphes. Aussi Josèphe aime à parler de ces personnes qui, d’après des songes, ou sous l’inspiration divine, révélaient les secrets de l’avenir. Il lui arrive même de donner à la prophétie le cachet propre à la divination païenne[2].

Judas l’Essénien a prédit que le premier Antigone, frère d’Aristobule Ier, mourrait un jour donné, à la tour de Straton. Ce jour arrive, et Judas voit passer Antigone à Jérusalem, à six cents stades de la tour de Straton. Il est confus d’avoir si mal prophétisé lorsqu’il apprend que le prince vient d’être tué dans un couloir souterrain qui portait le même nom. Cette coïncidence justifie la prédiction, à la manière de la mantique païenne, avec ses jeux de mots et ses solutions imprévues. Et cela encore donnerait une idée très fausse du rôle des prophètes d’Israël !

D’ordinaire cependant, le ton est plus juste, quoiqu’il soit toujours question de la détermination particulière d’un événement futur, non d’une prédication religieuse comprenant l’annonce des grandes œuvres de Dieu. Le don de prophétie est tantôt attribué aux Pharisiens[3], et spécialement à l’un d’eux, Saméas, tantôt et plus souvent aux Esséniens, quelquefois sans désignation de secte.

Saméas avait prédit, lorsque Hérode fut traduit devant le sanhédrin, qu’un jour il ferait périr ses juges. « Et cela arriva avec le temps, Dieu ayant réalisé ses paroles » [4].

  1. Par exemple Ant., XV, ix, 1.
  2. Ant. XIII, xi, 2. Sans cependant admettre la divination inductive par les augures, les haruspices, etc., si sévèrement proscrite par la Loi. Philon accepte de même la divination par les songes et par l’enthousiasme divin (Les idées philosophiques et religieuses de Philon d’Alexandrie par E. Bréhier, p. 180-196).
  3. Ant. XVII, ii, 4 : πρόγνωσιν δὲ ἐπεπίστευντο ἐπιφοιτήσει τοῦ θεοῦ.
  4. Ant. XV, i, 1.