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L’Essénien Manahem[1] avait prédit au même Hérode encore enfant qu’il serait roi, mais que ses fautes lui mériteraient à la fin le châtiment de Dieu. Il lui avait fait espérer plus de trente ans de règne, sans préciser davantage.

Lors de la dernière maladie de ce roi « les personnes inspirées et ceux auxquels il est donné de prédire ces choses par la sagesse disaient que c’était un châtiment infligé par Dieu à ce roi impie »[2]. Le terme de « sagesse » indique à peine un degré de plus que la prévision naturelle.

On pourrait citer encore les songes qui donnèrent le pressentiment à Archélaüs de sa ruine, à Glaphyra de sa fin prochaine[3]. Josèphe y voit une preuve de l’immortalité de l’âme et de la Providence de la divinité.

Mais le cas le plus intéressant est celui de Josèphe lui-même, qui s’attribua le don de prophétie, et précisément en matière messianique. Cet épisode est tout à fait propre à montrer combien il était peu disposé à présenter le messianisme sous son vrai jour.

Les faits sont d’abord décrits dans un certain mystère[4]. Comme prêtre et descendant de prêtres, il ne pouvait ignorer les prophéties, et il faut lui concéder cela. Mais de plus il s’attribue le don d’expliquer les songes, naturellement ambigus, qui servaient de canal à la révélation divine, et il se flatte d’avoir été choisi pour prédire et annoncer la ruine de sa nation et la fortune réservée aux Romains. C’est parce qu’il est l’instrument élu de Dieu dans ce but qu’il ne refuse pas de vivre après la chute de Jotapata. Cette allusion assez obscure s’éclaircit un peu dans la suite, lorsqu’on voit Josèphe annoncer l’empire à Vespasien et à Titus.

Il le fait comme envoyé de Dieu, et dans des termes qui marquent un empire tout à fait universel. Vespasien est salué César comme si la prophétie était déjà réalisée — il suffit en effet qu’elle le soit dans les desseins de Dieu, — maître de la terre et de la mer et de toute la race des humains[5]. Et cette prophétie, suspecte de flatterie dans la bou-

  1. Ant. XV, x, 5.
  2. Ant. XVII, vi, 5: ἐλέγετο οὖν ὑπὸ τῶν θειαζόντων καὶ οἷς ταῦτα προαποφθέγγεσθαι σοφίᾳ πρόκειται, ποινὴν τοῦ πολλοῦ δυσσεβοῦς ταύτην ὁ θεὸς εἰσπράσσεσθαι παρὰ τοῦ βασιλέως (Niese).
  3. Ant. XVII, xiii, 3-5. Sans parler de ceux de Jean Hyrcan (Ant., XIII, xii, 1) et d'Hérode (Ant. XIV, xv, 11).
  4. Bell., III, viii, 3: Ἦν δὲ καὶ περὶ κρίσεις ὀνείρων ἱκανὸς συμβαλεῖν τὰ ἀμφιβόλως ὑπὸ τοῦ θείου λεγόμενα, τῶν γε μὴν ἱερῶν βίβλων οὐκ ἠγνόει τὰς προφητείας ὡς αὐτός τε ὢν ἱερεὺς καὶ ἱερέων ἔγγονος... (Niese).
  5. Bell. III, viii, 9: δεσπότης μὲν γὰρ οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους.