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R. Khanan b. Takhlifa écrivit à R. Joseph : Je rencontrai un homme qui avait à la main un rouleau, écrit en caractères assyriens (carrés) et en langue sacrée (hébreu) ; je lui dis : D’où te vient cela ? il me dit : J’étais mercenaire dans les armées perses, et je l’ai trouvé dans les cachettes des Perses et il y a écrit : Après quatre mille deux cent quatre-vingt-onze ans depuis la création du monde, le monde deviendra orphelin ; ensuite les combats des dragons, ensuite les combats de Gog et de Magog, et le reste sera le temps du Messie, et Dieu ne renouvellera pas son monde si ce n’est après sept mille ans.

Tout est remarquable ici : l’appui prêté par la tradition rabbinique au principe de l’écriture apocryphe, dissimulée dans une cachette, l’origine persane des périodes, le chiffre de sept mille ans pour la durée du monde. De 4291[1] à l’an 7000, même en retranchant les guerres du dragon et de Gog et Magog, il reste une longue période messianique.

Malgré le chaos apparent de ces différents computs, on aura peut-être remarqué qu’il n’y en a aucun entre 70 et 354 ou 365. En d’autres termes, il y a une courte période, 40, 60, 70, soit deux ou trois générations, et une longue période de 365, 400, 1000, 2000 ans…

A vouloir harmoniser, on conclurait que la période courte vise le règne actuel du Messie, et la période longue l’ensemble des temps inaugurés par son règne. Si l’on a pu en effet supposer que le Messie devait vivre quatre cents ans, ou même mille ans, pour dépasser la longévité des patriarches, il est peu vraisemblable qu’on lui ait donné deux mille ans ou plus. On pouvait très bien admettre qu’après sa mort les choses resteraient sur le pied où sa venue les aurait mises.

De toute façon on ne saurait reconnaître dans ces différentes traditions une opinion qui s’imposât. Elles marquent bien que les temps messianiques étaient distincts du monde à venir qui ne doit pas avoir de fin, elles ne prévoient rien entre les temps messianiques et le monde à venir, mais elles ne disent pas avec l’autorité d’une tradition ferme combien de temps doit vivre le Messie, ni si le monde doit se terminer à sa mort.

  1. Ou 4231 d’après M. Klausner, pour coïncider avec ‘Aboda zara, 9b (l. l., p. 29).