Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/240

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Il lui dit : Où ? Elle lui dit : A Bethléem de Juda. Il alla et trouva une femme assise à la porte de sa maison, et son fils taché de sang et étendu devant elle. Il lui dit : Ma fille, tu as enfanté un fils ? Elle lui dit : Oui. Il lui dit : Pourquoi donc est-il taché de sang et gisant ? Elle lui dit : C’est un grand malheur ! le jour même où il est né, le Temple a été détruit. Il lui dit : Ma fille, debout, et prends courage à son sujet ; sûrement le salut leur viendra par lui. Aussitôt elle se leva et prit courage à son sujet. Il la quitta et s’en alla pendant cinq ans. Après cinq ans, il dit : J’irai et je verrai le Sauveur d’Israël, pour savoir s’il est élevé à la façon des rois ou à la façon des anges du ministère (divin). Il alla et trouva cette femme qui se tenait sur la porte de sa maison. Il lui dit : Ma fille, comment est l’enfant ? Elle lui dit : Rabbi, ne t’ai-je pas dit que c’est un grand malheur de l’élever, puisqu’il est né le jour où le temple a été détruit ? Et ce n’est pas tout. Il a des pieds et ne marche pas, des yeux et ne voit pas, des oreilles et n’entend pas, une bouche et ne parle pas. Il gît donc comme une pierre. Comme il parlait encore, il souffla sur lui des quatre coins du monde un vent qui l’emporta vers la grande mer. Il déchira ses vêtements et s’arracha les cheveux et cria, et dit : Hélas ! le salut d’Israël a péri ! La voix surnaturelle lui fut adressée et lui dit : Élie, il n’en est pas comme tu penses : pendant quatre cents ans il séjournera dans la grande mer[1], et pendant quatre-vingts ans au monte-fumée[2] auprès des fils de Coré, et pendant quatre-vingts ans à la porte de Rome, et le reste du temps il circulera auprès des grandes cités, jusqu’au moment de la fin[3].

Nous retrouverons le Messie à la porte de Rome, à propos du Messie souffrant. Ici nous voulions seulement insister sur les conditions très humaines de sa naissance et de son éducation.

On voit à quoi se réduit la préexistence du Messie. C’est une existence postérieure à sa naissance, comme pour tout le monde, mais antérieure à sa manifestation. De là l’expression assez fréquente dans le Talmud : le Messie, qu’il soit parmi les vivants ou parmi les morts, c’est-à-dire qu’il soit déjà ou ne soit pas encore en vie. On ignorait où il était. C’est encore l’opinion que saint Justin attribue à son Tryphon[4] : « Le Christ, à supposer qu’il soit né, et soit quelque part, est inconnu, et n’a pas lui-même conscience de lui-même, ni aucune puissance, jusqu’à ce qu’Élie vienne l’oindre et le manifester à tous ».

Aussi Tryphon rejette-t-il énergiquement la préexistence : « Dire que ce Christ étant Dieu a préexisté avant les siècles et qu’il a accepté de devenir homme et de naître, au lieu d’être un homme issu d’autres hommes, cela ne me paraît pas seulement paradoxal, mais insensé »[5].

  1. CL IV XIII, 3. 25.
  2. ’[ÏT7 d’après Lévy, Neuhebr… Wûrlerb^ sub nom d’une plante qui se met¬tait dans l’encensoir pour faire monter la fumée j ici cela paraît être un nom de lien.
  3. Putjfia.., foL 280 s.
  4. Dial, vui : XpiffTûi Sé, el xai YsyévijTas, XJU Itm irau, àpûjaro ; xat aûSà nw ÈKic-Tavat, 0’JSE ££ct ma ptÉ/pc ; àv “ÙTQV, xal çavspûv îttwri 7Toi^r(, CL c. XLIX. Plus lard on supposa qu il habitait un palais dans le Paradis (Bel haNïdra&ch, iîIT p. 132 195),
  5. Dial, c, XLVÜL