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Messie. La gloire du serviteur ne lui venait qu’après sa mort ; qu’avait-il de commun avec le roi glorieux, fils de David ?

Si l’on met à part le terme d’Élu[1], peut-être emprunté à Isaïe, on ne voit pas que l’apocalyptique se soit inquiétée de ce serviteur. Son souci maladif des coups de théâtre, des merveilles, de l’éblouissant et du rare, la rendait peu propre à comprendre cette figure attachante, modeste, mélancolique et voilée. Moins encore que le rabbinisme elle n’avait que faire des souffrances du Messie.

Elle ne s’est pas non plus occupée beaucoup du fils de David. Elle a pris naissance et s’est développée dans un temps où les espérances davidiques étaient assez oubliées. Son goût pour le mystère l’obligeait, même quand elle faisait allusion au roi Messie, à le désigner par une allégorie. L’écriture claire n’est point son fait. Puis ce Messie était un peu trop terre à terre. A supposer qu’Esdras soit revenu à la tradition de l’origine davidique[2], Baruch laisse de nouveau ce point dans l’ombre.

Pourtant il s’est trouvé des voyants qui, sans employer de désignation trop expresse, ont fait une place au roi traditionnel.

Tout naturellement ils l’ont situé au terme de l’histoire, mais sans aucune relation avec l’au-delà[3].

La venue personnelle de Dieu, si souvent implorée par les prophètes et peut-être encore plus par les psalmistes, ouvre précisément le livre d’Hénoch. Cette partie, la plus ancienne, annonce une théophanie analogue à celle du mont Sinaï. Mais, en général, on s’en tint là[4]. Il n’était pas dans le style de l’apocalypse de faire descendre Dieu sur la terre. Plus on avançait dans le temps, plus il était convenu de le reculer dans les hauteurs du ciel. Il fallait trouver un intermédiaire, moins inaccessible que Dieu, moins modeste que le fils de David.

Le thème favori de l’apocalyptique était donc naturellement indiqué : c’était celui de Daniel, du prophète qui avait porté ce genre lui-même à sa perfection.

L’être surnaturel que Daniel avait montré sous les traits d’un homme était-il le Messie ? Pour le conclure, il suffisait de rapprocher les deux idées du règne de Dieu et du règne du Roi Messie. Quand Israël eut une idée plus nette du monde et de Dieu, il dut espérer que son Roi Messie serait aussi roi du monde, et il ne pouvait l’être que sous l’égide de Dieu, son véritable roi.

  1. Hén., livre des Paraboles, xxxix, 6 et passim, et Is. xlii, 1.
  2. Ce point dépend, comme on l’a vu plus haut, p. 105, de l’authenticité d’un texte.
  3. Voir plus haut, p. 81, eschatologie messianique historique.
  4. L’Assomption de Moïse, dans son psaume, célèbre cette venue : x, 3 exsurget enim caelestis a sede regni sui et exiet de habitatione sancta sua.