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David, qui monterait sur le trône de ses pères et ferait jouir sa nation d’une félicité inouïe. Isaïe avait fait allusion à sa naissance miraculeuse et lui avait donné des noms divins.

Le même recueil d’Isaïe contenait le tableau d’un serviteur de Iahvé qui convertirait les peuples à la foi d’Israël et dont la mort servirait d’expiation pour un grand nombre.

Daniel avait prédit que Dieu interviendrait pour détruire les persécuteurs, et avait montré un être surnaturel descendant du ciel pour établir le règne des saints.

Ces prophéties tracées comme des lignes vers la lumière à venir étaient-elles parallèles ? Et si elles ne l’étaient pas, comment fallait-il les coordonner ? Le Messie, selon les termes très forts d’Isaïe, serait-il un Dieu ? Ne serait-il pas plutôt un simple instrument de ses desseins, un pur homme ? Serait-il le même que le doux prédicateur, victime de son zèle et de sa docilité à redire la leçon de Iahvé ? Le Restaurateur du trône serait-il un martyr, un Rédempteur ? L’être surnaturel de Daniel viendrait-il sur la terre autrement que pour détruire les monarchies condamnées ? Qu’une seule personne pût remplir toutes ces conditions, cela paraissait, cela était bien difficile, ou pour mieux dire : il y fallait un miracle inouï, dont le mystère n’était pas révélé, du moins dans la tradition officielle[1].

Et si le Messie était tout cela, comme les prophètes anciens n’avaient parlé que de son rôle terrestre, dans quel rapport serait-il avec le monde de l’au-delà ?

Nous avons maintenant réponse à toutes ces questions dans le dogme des deux natures et dans celui de la Rédemption, mais c’est là précisément le mystère du règne de Dieu qui n’a été révélé qu’aux Apôtres. Il ne faut pas s’étonner que nul n’ait pu résoudre l’énigme ; où une certaine sympathie est due à l’effort, la justice oblige à dénoncer l’échec.

En dépit de certaines allures nouvelles, l’apocalyptique était liée à la tradition de l’Ancien Testament et ne pouvait guère s’en émanciper plus que le rabbinisme. On doit dire à sa louange qu’elle en a mieux rendu les divers éléments, dans un esprit beaucoup plus élevé et beaucoup plus ouvert.

De ces quatre aspects que nous avons surtout mis en relief, le troisième, celui du serviteur prédicateur et martyr, a été le plus négligé par les deux courants ; c’est très spécialement le secret de Jésus. Rien dans les textes n’indiquait un rapport personnel entre le serviteur et le

  1. Eph. iii, 5. 8.