Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/28

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riques, ni même d’aspirations légitimes vers un gouvernement nouveau. Ils se plaignent qu’on ne soit pas resté fidèle à l’ancienne constitution ; ils se souviennent avec regret du temps où le peuple était gouverné par de simples grands prêtres[1] ; le titre de roi a été un prétexte à les asservir. Peut-être comprennent-ils déjà que ce titre fait ombrage aux Romains, et se contentent-ils d’avance d’une honnête autonomie sous la direction des grands prêtres, comme à l’époque persane. Et c’est bien en effet le régime qu’établit Pompée après avoir pris Jérusalem et le Temple (automne de 63 av. J.-C.). C’était la rétrocession des conquêtes, la perte de l’indépendance, la fin de la royauté nationale héréditaire, une organisation que Josèphe nomme d’un terme bien pompéien « le régime aristocratique », installé par Gabinius. L’historien affirme qu’il fut reçu avec satisfaction[2].

C’est cependant vers cette même époque que furent composés les Psaumes de Salomon, œuvre de haine contre les Asmonéens, de vengeance contre Pompée, mort sans honneur, d’espérance en le roi descendu de David, qui doit relever la monarchie et faire régner Dieu par les Juifs.

Josèphe a donc ignoré cette manifestation ou il l’a tenue pour négligeable.

Autant qu’on peut comprendre la situation, elle se présente ainsi. Les Sadducéens, c’est-à-dire les grandes familles sacerdotales et l’aristocratie, demeuraient fidèles aux Asmonéens, soient qu’ils prissent le parti du plus habile, c’est-à-dire d’Antipater, agissant au nom d’Hyrcan, soit qu’ils s’attachassent à la fortune d’Aristobule. Nous connaissons déjà les sentiments des Pharisiens. Le peuple ne pouvait que recevoir l’impulsion d’un des deux partis. Dans l’ordre politique, il penchait vers les Asmonéens qui paraissaient alors le dernier refuge des espérances nationales. Il était habitué, dans les choses religieuses, à suivre les Pharisiens, mais jusqu’alors la religion n’était pas en cause. Or, les aspirations messianiques, même dans les Psaumes de Salomon, avaient encore conservé leur caractère religieux. On ne pouvait songer sérieusement à s’en servir dans la mêlée des ambitions et des intérêts, tant que le peuple n’y verrait rien de plus que des luttes pour s’emparer du pouvoir. Une seule cause était digne que Dieu intervînt par le miracle attendu, c’était la cause religieuse,

  1. Ant. XIV, iii, 2: Πάτριον γὰρ εἶναι τοῖς ἱερεῦσι τοῦ τιμωμένου παρʹ αὐτοῖς Θεοῦ πειθαρχεῖν, ὄντας δὲ τούτους ἀπογόνους τῶν ἱερέων εἰς ἄλλην μετάγειν ἀρχὴν τὸ ἔθνος ζητῆσαι, ὅπως καὶ δοῦλοι γένοιντο.
  2. Bell. I, viii, 5: Ἀσμένως δὲ τῆς ἐξ ἑνὸς ἐπικρατείας ἐλευθερωθέντες τὸ λοιπὸν ἀριστοκρατίᾳ διῳκοῦντο. Cf. Ant. XIV, v, 4.