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nique, même lorsqu’on sera demeuré fidèle à la pure tradition davidique : celui de l’avènement mystérieux du Messie. C’est à quoi tient spécialement Esdras, puis Baruch. Même quand on renonce à approfondir les origines, ou qu’on suppose le Messie un pur homme, né comme les autres enfants, il faudra le produire d’une façon extraordinaire, imprévue, glorieuse ; son apparition sera une manifestation éclatante de Dieu venant inaugurer son règne.

Le rabbinisme lui-même ne pourra se soustraire à cette condition de l’avènement messianique. Elle paraît indiquée dès les psaumes de Salomon[1] : Dieu fera surgir le Christ ; ce qui n’implique pas une préexistence surnaturelle, mais du moins une manifestation extraordinaire.

Le messianisme avait donc suivi dans les apocalypses une courbe ascendante, puis il était retombé. A quel moment précis faut-il placer le maximum ? C’est ce que nous ne saurions dire. L’Assomption de Moïse paraît indiquer le temps d’Hérode le Grand. Ce système, que nous avons appelé « le messianisme transcendant », a peut-être conservé jusqu’au temps de Jésus une influence dont le rayonnement est difficile à déterminer ; mais comment l’appliquer à une personne vivante, à Jésus, par exemple, fils de Marie, parlant, agissant, vivant comme les autres hommes ?

On pouvait, il est vrai, en retenir cette idée maîtresse que le Messie devait être le chef du monde futur, qu’il serait appelé à l’inaugurer après avoir jugé tous les hommes ; mais, si ces traits étaient compatibles avec une existence terrestre, il fallait du moins supposer une transformation de cette existence, et, comme cette existence elle-même ne faisait pas partie du système, il fallait chercher une nouvelle combinaison. Les précisions ajoutées à Daniel ne faisaient que la rendre plus difficile. On ne peut donc pas dire que le livre des Paraboles ait contribué en quoi que ce soit à l’élaboration du christianisme, si ce n’est par un sentiment très vif de la sublimité du Messie, idée empruntée à Daniel et développée dans un sens où elle heurtait assez directement une partie de la tradition.

Le côté de la tradition, le côté humain et national, est celui qui demeura toujours cher au rabbinisme. C’est par là surtout que son messianisme se distingue de celui des apocalypses.

Peut-on dire que le judaïsme officiel eut d’abord plus d’envergure, qu’il se complut lui aussi dans l’espérance d’un messianisme transcendant, de sorte que, s’il n’en est plus question dans le Talmud, c’est

  1. Ps. Sal. xviii, 6 ; cf. xvii, 23.