Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/281

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qu’on prit soin à la longue d’éliminer ces éléments suspects ? Il y eut peut-être quelque chose de semblable, et cela serait certain si on pouvait regarder l’apocalypse d’Esdras comme un document émané de ce judaïsme officiel, en d’autres termes, du pharisaïsme pur. Il est assez probable en effet que ce fut par réaction contre le christianisme que le pharisaïsme s’éleva si fortement contre la conception virginale, et qu’il ne donna jamais au Messie, même indirectement, le nom de Fils de Dieu et de Fils de l’homme.

Pourtant, dans l’ensemble, la tradition varia peu, et nous en avons pour preuve les psaumes de Salomon. Le Messie qui y paraît se rattache d’une façon assez unilatérale au Psaume lxxii ; c’est une des conceptions de l’Ancien Testament. De la présence personnelle de Dieu, du serviteur souffrant, de la vision de Daniel, il n’est pas question. Or ce thème demeurera toujours celui du judaïsme. Il s’y est cantonné, et n’a guère emprunté à l’apocalyptique[1], comme nous venons de le dire, que l’avènement mystérieux du Messie, qui ne suppose nullement une préexistence vraiment surnaturelle.

Ainsi, après avoir tenté toutes les voies, et essayé toutes les solutions, la pensée juive s’arrêtait à l’espérance d’un grand roi, descendant de David, pieux et sage, orné de dons surnaturels et revêtu d’un pouvoir extraordinaire.

L’opinion moyenne du judaïsme, telle qu’elle s’était cristallisée vers le début du iiie siècle de notre ère, est parfaitement rendue dans les Philosophoumena : « Ils disent qu’il (le Messie) sera originaire de la race de David, et non d’une vierge et de l’Esprit-Saint, mais d’une femme et d’un homme, selon la manière ordinaire à tous les hommes, disant qu’il sera leur roi, homme de guerre et puissant ; après avoir réuni toute la nation des Juifs, après avoir combattu toutes les nations, il relèvera Jérusalem leur capitale, où il rassemblera toute la nation, et, selon les coutumes antiques, il la restaurera de nouveau, régnant, exerçant le sacerdoce, et habitant en sécurité pendant longtemps ; après, on se réunira pour leur faire la guerre ; alors le Messie succombera par l’épée, puis aura lieu la consommation et la conflagration de tout, et s’accomplira ce qu’on opine touchant la résurrection, et la rétribution sera fixée à chacun selon ses œuvres[2] ».

  1. Et dès le temps des psaumes de Salomon.
  2. Philos. ix, 30 ; texte cité par M. Schürer.