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relève le courage des Juifs. Les Arabes sont des barbares qui n’ont pas le sens du divin. Ils ont tué des ambassadeurs, en grec des anges, nom sacré pour les Grecs, et qui est aussi celui des organes de la révélation, chargés par Dieu de nous enseigner les plus beaux de nos dogmes[1]. Si le tremblement de terre a été vraiment voulu de Dieu dans un dessein particulier, il prouve que Dieu veut la guerre, puisque l’armée, campée en plein champ, est demeurée indemne. Or tout est possible avec le secours de Dieu. Et ce secours, Hérode l’implorait par de fréquents sacrifices.

Et de même que la politique du second Empire changea d’orientation religieuse après les bombes d’Orsini, Josèphe a noté le moment où Hérode négligea de ménager la foi de ses sujets. Ce fut après s’être débarrassé des dernières personnes apparentées aux Asmonéens, la douzième année de son règne (25 av. J.-C.)[2].

La question religieuse se posa de nouveau, et, comme les Asmonéens avaient disparu, elle se posa seule. Ceux qui désormais feront des tentatives pour secouer le joug d’Hérode ou pour s’emparer du pouvoir se donneront une mission divine spéciale pour titre, et se rattacheront ainsi plus ou moins aux espérances messianiques.

Ce n’est pas qu’Hérode ait jamais rompu ouvertement avec la religion juive. Il se dédoubla. A l’extérieur, et par là il faut entendre même les villes fondées par lui à la grecque, Sébaste et Césarée, il bâtit des temples et érigea des statues. Mais s’il se vante à Auguste de fouler aux pieds les coutumes héréditaires des Juifs pour lui plaire, il a soin d’expliquer au peuple qu’il n’en fait rien que par contrainte[3]. En Judée il est beaucoup moins libre, sans éviter tout à fait de froisser le sentiment religieux, car il bâtit à Jérusalem ou près de la ville un théâtre et un amphithéâtre, il institue des combats de bêtes ou de gladiateurs, et il orne ces édifices de trophées qu’on prend pour des statues. C’est en vain qu’il explique aux plus intelligents que ce ne sont que des mannequins ; dix personnes se conjurent pour tuer le roi au théâtre, ou du moins sacrifient leur vie dans l’espérance de l’intimider et de l’arrêter dans cette voie[4]. En même temps sa fortune semble l’abandonner ; une sécheresse persistante amène la disette et la famine ; les tragédies intimes qui avaient déjà désolé sa maison augmentent d’atrocité et d’horreur. On commence à le déclarer

  1. Ant. XV, v, 3 : ἡμῶν δὲ τὰ κάλλιστα τῶν δογμάτων καὶ τὰ ὁσιώτατα τῶν ἐν τοῖς νόμοις διʹ ἀγγέλων παρὰ τοῦ θεοῦ μαθόντων.
  2. Ant. XV, vii, 10.
  3. Ant., XV, ix, 5.
  4. Ant. XV, viii, 1-4.