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abandonné de Dieu, puni pour ses crimes et responsable des maux du peuple.

Dès lors les conjurations se multiplient, mais Hérode était un tyran trop ferme et trop habile, trop magnifique aussi, pour que la populace s’ameutât contre lui. On la voit jusqu’aux derniers jours faire elle-même justice des conspirateurs qu’il lui livre[1]. Et cependant ce ne sont plus des grands, ce sont les Pharisiens, d’ordinaire si écoutés de la foule, qui organisent la résistance.

Hérode sut demeurer le maître. Tantôt il procédait par mesures de police, et par des exécutions sommaires ; tantôt il remettait au peuple une bonne partie de l’impôt. On l’accusait toujours de ruiner la piété et de corrompre les mœurs ancestrales. Après s’être débarrassé des plus récalcitrants, il imagina d’exiger des autres un serment de fidélité à sa personne[2], montrant ainsi qu’il regardait ses adversaires comme gens de conscience. Mais précisément les Pharisiens le refusèrent, et il les exempta à cause de son respect pour Pollion, leur chef. Les Esséniens, eux aussi, furent dispensés. Ceci se passait, semble-t-il, la dix-huitième année de son règne.

Il fut moins tolérant plus tard, à propos d’un autre serment, et cette fois l’agitation des Pharisiens suppose incontestablement une tentative messianique.

Il ne s’agissait plus seulement de prêter serment à Hérode ; César, c’est-à-dire Auguste, en était aussi l’objet, et en premier lieu. C’est donc sans doute de Rome qu’est venue l’initiative. Les termes dont se sert Josèphe sont en eux-mêmes assez vagues, mais ils correspondent parfaitement à ceux qui étaient employés, comme termes techniques, pour exprimer la complète allégeance à la domination romaine. Par une sorte d’euphémisme, on la nommait promesse de bienveillance[3]. Une découverte récente a fait connaître le texte du serment prêté par les Paphlagoniens, trois ans après que le pays eut été réduit en province romaine[4], quelques années à peine après celui qui fut exigé des Juifs.

  1. Ant. XVI, x, 5 ; XVI, xi, 7.
  2. Ant. XV, x, 4 : τὸ δʹ ἄλλο πλῆθος ὅρκοις ἠξίου πρὸς τὴν πίστιν ὑπάγεσθαι καὶ συνηνάγκαζεν ἐνώμοτον αὐτῷ τὴν εὔνοιαν ἦ μὴν διαφυλάξειν ἐπὶ τῆς ἀρχῆς ὁμολογεῖν.
  3. Ant. XVII, ii, 4 : παντὸς γοῦν τοῦ Ἰουδαϊκοῦ βεβαιώσαντος διʹ ὅρκων ἦ μὴν εὐνοήσειν Καίσαρι καὶ τοῖς βασιλέως πράγμασιν.
  4. Le texte dans Dittenberger, Orientis graeci inscr. selectae, n° 532. D’après Schürer la pièce est datée de la troisième année de la province ; d’après Dittenberger, de la troisième année après le douzième consulat d’Auguste, mais cela revient au même pour la date qui est bien de l’an III de la province, constituée à l’automne de 6 av. J.-C. La date du serment des Juifs n’est pas précisée par Josèphe : elle ne peut être beaucoup antérieure à l’agitation pharisienne qui la suivit, peu avant la fin d’Hérode, vers l’an 7 ou 6 av. J.-C.