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parla du règne du Messie et du temps et du lieu où il devait paraître, ils répondirent que ce règne n’était ni de ce monde, ni de la terre, mais céleste, et commencerait à la fin du monde, quand le Christ viendrait dans la gloire pour juger les vivants et les morts.

Domitien n’en eut cure et les laissa aller.

C’est parce qu’il était de la race de David en même temps que chrétien que Simon, fils de Clopas, aurait subi le martyre sous Trajan, d’après le même Hégésippe[1].

Il est assez naturel que les Romains aient d’abord cherché du côté de l’Église chrétienne les fomentateurs du messianisme. Mais on reconnut bientôt qu’elle avait un esprit tout autre[2], si bien marqué par les parents de Jésus.

La sélection qui se fit alors contribua sans doute à donner un caractère plus tranché au messianisme temporel et national. Les Juifs qui embrassèrent le christianisme furent peu nombreux, mais ce furent sans doute ceux qui étaient le plus disposés à demander au Messie la satisfaction de leurs aspirations religieuses, plutôt que l’indépendance et la vengeance, le salut de l’âme et le règne de Dieu plutôt que la restauration politique d’Israël.

Et le messianisme juif devint sans doute aussi plus ardent, plus emporté, plus révolutionnaire, à mesure qu’il se concentra davantage dans le peuple.

Déjà, pendant le siège de Jérusalem, les scribes pharisiens, en grande majorité, s’étaient tenus à l’écart. Iokhanan ben Zakkaï semble avoir voulu imiter de tout point la conduite de Jérémie au temps de Nabuchodonosor. On racontait que les portes du Temple étant sorties de leurs gonds, Iokhanan l’apostropha : « Temple, temple, pourquoi te troubles-tu ? Je sais que tu es proche de la destruction et c’est de toi qu’a prophétisé Zacharie, fils d’Addo : Ouvre, ô Liban, tes portes, et le feu brûlera tes cèdres[3] ». Fatigué des dissensions des assiégés, il se réfugia auprès des Romains.

Au moment de la destruction du Temple, son disciple Josué s’écria : « Malheur à nous, notre foyer d’expiation est détruit ! » Iokhanan répondit : « Ne t’afflige pas, il nous reste une expiation, qui vaut celle des sacrifices ; c’est l’exercice des œuvres de charité, car il est dit : Je veux la charité, non le sacrifice » (Os. vi, 6)[4].

  1. Eusèbe, H. E. iii, 32.
  2. Sauf, çà et là, la teinte de millénarisme, empruntée aux idées juives, mais qui n’affecte pas l’impression générale.
  3. Zach. xi, 1 ; dans b. Ioma, 39b.
  4. Aboth di R. Nathan, c. 4 ; Bacher, l. l., p. 35.