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qu’à leur pays. La guerre de Quiétos est encadrée entre celle de Vespasien et celle d’Hadrien dans la Michna[1] :

Après la guerre de Vespasien, ils ont interdit les couronnes des fiancées et les tambours ; après la guerre de Quiétos[2], ils ont interdit les couronnes des fiancées et l’enseignement du grec aux enfants ; après la dernière guerre, ils ont interdit aux fiancées de sortir en palanquin dans la ville.

Ces interdictions sont portées par les rabbins de l’Académie de Palestine, et celle du grec s’entend beaucoup mieux de ce pays que de la Mésopotamie. Faut-il ne voir là, si près des faits, qu’une pure légende ?

La guerre de Quiétus est encore citée dans la grande chronique du Seder ‘Olam, avec une approximation chronologique suffisante pour qu’on puisse lui assigner son rang[3].

De plus, la Megillath Ta‘anith, très ancien catalogue des fêtes, probablement antérieure à la Michna[4], mentionne au douze adar « le jour de Trajan ». Nous n’estimerions pas volontiers qu’il s’agit d’une victoire remportée sur Trajan, et la mort de Trajan, survenue en août, ne devait pas être commémorée en adar (février-mars). Lusius Quiétus fut mis à mort par Hadrien. Ce fut sans doute pour les Juifs un second jour de Nicanor. Lui aurait-on donné le nom de « jour de Trajan » ? Quoi qu’il en soit, cet indice n’est pas négligeable, et si le commentaire plus récent de la Megillath Ta‘anith l’a glosé par une légende inepte[5], ce n’est point une raison suffisante pour récuser le témoignage de la tradition plus ancienne.

On ne peut d’ailleurs se montrer plus affirmatif en l’absence de témoignages précis[6]. Il y eut certes de l’agitation en Palestine, et

  1. Soṭa, ix, 14.
  2. Les éditions courantes ont Titos, mais le vrai texte est reconnu par tout le monde.
  3. Texte dans Schürer, Geschichte…, I, p. 669 : « De la guerre d’Asvéros (Varus) jusqu’à la guerre de Vespasien il y a quatre-vingts ans, le temple étant encore debout ; de la guerre de Vespasien à la guerre de Quiétos, il y a cinquante-deux ans ; et de la guerre de Quiétos à la guerre de Ben-Koziba, seize ans. La guerre de Ben-Koziba dura trois ans et demi ».
  4. La Megillath taanith ou « Anniversaires historiques », par M. Moïse Schwab, Congrès des orientalistes, quatrième section, p. 199-259 ; Paris, 1898.
  5. Trajan y figure comme un simple fonctionnaire, qui interroge Pappos et Julien pour les faire apostasier. Il est mis à mort sur un ordre de Rome. Il semble que Trajan remplace ici Quiétus, à cause du mot à expliquer, « jour de Trajan » ; mais la confusion inverse est peut-être à l’origine de ce terme.
  6. Aussi ne voudrions-nous pas adhérer à l’argumentation de M. Schlatter (Die Tage Trajans und Hadrians, p. 92) qui fait de Pappos un général révolté, à cause du texte de Sifrâ sur Lév. : « Je briserai l’orgueil de votre force » ; Aqiba y voyait une allusion à Joab général de David ; d’autres à Pappos et Lulianos (Julianos). A supposer que cette dernière explication ne soit pas récente, l’opinion d’autres rabbins ne fait pas de Pappos un synonyme de Joab.