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jeté des racines en Cyrénaïque[1]. Un certain Jonathan avait, dès cette époque, esquissé une révolte en attirant une troupe au désert où il devait lui montrer des prodiges extraordinaires. On reconnaît le type de l’agitateur juif sous Vespasien ; il fallut envoyer contre lui des fantassins et des cavaliers. Ce fut presque une guerre. On ne peut guère se représenter autrement Loukouas (André), du moins à ses débuts. S’il a pris le titre de roi, il se donnait donc comme Messie, et les atrocités commises par les Juifs prouvent qu’ils avaient commencé une guerre à outrance, se croyant sûrs du succès.

Mais sur ce point encore nous voulons ne pas dépasser le témoignage des sources. Quand la guerre de Trajan n’aurait pas été une guerre messianique, il eût encore fallu en parler pour aider à comprendre le problème si difficile du soulèvement messianique sous Hadrien.


III. — LA GUERRE MESSIANIQUE.


Le soulèvement des Juifs de Palestine sous Hadrien fut formidable. Tout le monde en convient, même ceux qui sont le moins d’accord sur les causes. Si l’on en croit M. Schlatter[2], c’est l’empereur lui-même qui surexcita les espérances messianiques en autorisant les Juifs à rebâtir le Temple. Voyant la maison de Dieu sortie de ses ruines, ils crurent assister à l’accomplissement des prophéties sur la restauration d’Israël. Les temps messianiques étaient donc arrivés ; il ne restait plus qu’à trouver le Messie et à secouer le joug de Rome. Le Messie fut Bar-Kokébas, et la révolte commença. Elle dura trois ans et demi (de 132 à 135) et fut suivie de la fondation d’Aelia Capitolina : un temple de Jupiter remplaça le Temple juif détruit par Hadrien.

Ce système, soutenu avec entrain, ne paraît pas avoir beaucoup ébranlé l’opinion.

M. Schürer soutient des vues diamétralement opposées[3]. Loin de

  1. Bell. VII, xi, 1 : Ἥψατο δὲ καὶ τῶν περὶ Κυρήνην πόλεων ἡ τῶν σικαρίων ἀπόνοια καθάπερ νόσος, κ. τ. λ.
  2. Die Tage Trajans und Hadrians. L’auteur a surtout mis en œuvre les traditions rabbiniques qu’il cherche à mettre d’accord pour réaliser un ensemble satisfaisant, et auxquelles il attribue une vraie valeur historique, sauf les exagérations dont elles sont coutumières. M. Bacher (Revue des ét. juives, t. XXXVI, p. 197-204), très sévère pour cet ouvrage puisque sa recension est intitulée : Erreurs récentes concernant d’anciennes sources historiques, reconnaît une certaine vraisemblance au système de Schlatter ; « plusieurs faits se comprennent mieux et… on trouve moins étrange l’espoir nourri par les Juifs de restaurer Jérusalem et le culte du temple dans la première année de Barkokhba » (l. l., p. 197).
  3. Geschichte…, I, p. 670-704. Admirablement complet pour lous les renseignements littéraires et épigraphiques.