Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/328

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supposer qu’Hadrien ait montré aux Juifs tant de condescendance, il le rend responsable de la guerre par deux mesures qui durent paraître aux Juifs de graves atteintes à leur religion. Hadrien aurait ordonné, avant toute provocation de leur part, de rebâtir Jérusalem à la mode païenne et spécialement d’élever un temple de Jupiter sur les débris de l’ancien Temple, demeuré en ruines depuis Titus, ou plutôt rasé jusqu’au sol. De plus il aurait absolument interdit la circoncision, l’assimilant au crime de castration, qu’il avait lui-même précédemment déclaré punissable par la loi Cornelia, c’est-à-dire passible de la peine de mort[1]. Donc tout Juif pratiquant la circoncision, même sur son fils, s’exposait à périr par la main du bourreau. C’était obliger tous les Juifs de l’Empire à choisir entre l’apostasie et la mort.

A la vérité M. Schürer s’efforce d’atténuer ce que de semblables mesures auraient eu d’atroce et de tyrannique. Hadrien, rebâtissant une des plus illustres villes de l’Orient, ne songeait qu’au bien général. De même, s’il a interdit la circoncision, ce n’est point pour contraindre les Juifs à renoncer à leur foi. Très épris de culture, ami du progrès et des lumières, il regardait la circoncision comme un usage barbare, indigne d’un siècle civilisé. Il l’aurait interdit sans songer au trouble où il allait jeter la conscience juive.

Malgré tout on est bien tenté de dire avec notre sage Tillemont que cela paraît « peu croyable » [2].

Peut-être est-il à propos de tenir une opinion moyenne entre MM. Schlatter et Schürer.

La prétendue permission accordée par Hadrien de rebâtir le temple ne repose que sur des combinaisons de traditions rabbiniques fort douteuses. Tout ce que dit M. Schlatter de l’existence du Temple à cette époque est, croyous-nous, à retenir pour une grande partie, mais ne prouve pas que l’empereur ait donné une autorisation dont les Juifs pouvaient se passer, une fois la révolte commencée.

On ne peut alléguer qu’un texte positif. Mais il est de basse époque et son caractère légendaire saute aux yeux.

En voici le début[3] :

  1. Digeste, xlviii, 8, 4, 2 : Divus Hadrianus rescripsit : Constitutum quidem est, ne spadones fierent, eos autem, qui hoc crimine arguerentur, Corneliae legis poena teneri. Il s’agit de la lex Cornelia de sicariis et veneficis.
  2. Histoire des empereurs, t. II, p. 285. Le chapitre Révoltes et malheurs des Juifs sous Trajan et sous Adrien, p. 282-296, utilise très bien les sources païennes et chrétiennes connues au temps de l’auteur.
  3. Berechith r., c. lxiv : בימי ר׳ יהושע בן חנניה גזרה מלכות הרשעה שיבנה בהמ״ק הושיבו פפוס ולוליאנוס טרפיזין מעכו עד אנטוכיא והיו מספקין לעולי גולה כסף וזהב וכל צרכם. On rappelle pour mémoire que M. Graetz a conclu de ce texte que Pappos et