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Ce serment des Paphlagoniens est d’une extrême rigueur[1]. On jure d’être bienveillant envers César Auguste — c’est le même terme que dans Josèphe, — en s’engageant à n’épargner pour son service ni son corps, ni son âme, ni sa vie, ni ses enfants, à poursuivre ses ennemis sur terre et sur mer, en appelant toutes les malédictions sur la personne et la race de ceux qui seraient infidèles. On jure par les dieux et par Auguste lui-même. Il est évident qu’en Judée on remplaçait les dieux par le Dieu d’Israël ou le Dieu très-haut, et qu’on ne jurait pas par Auguste lui-même. Mais cette déférence pour les scrupules religieux des Juifs ne changeait rien à la dépendance qu’on leur proposait de confesser solennellement, en s’engageant par des malédictions terribles à n’y rien changer.

Le nom d’Hérode, accolé à celui d’Auguste, n’était qu’une garantie très précaire d’indépendance, et tout au plus viagère. En demandant aux Juifs de s’engager aussi à fond, Auguste mettait déjà la main sur un héritage qui ne pouvait lui échapper[2].

Les Pharisiens refusèrent, au nombre d’environ six mille. La description qu’en fait ici Josèphe est d’autant plus précieuse qu’elle n’est pas dans sa tonalité louangeuse ordinaire. Elle est due probablement à Nicolas de Damas : « Il y avait un parti de Juifs qui se targuaient d’une connaissance exacte de la loi ancestrale, se donnant comme amis de Dieu, ayant de l’influence sur le sexe ; on les nomme Pharisiens : très capables de résister aux rois, avisés, audacieusement prompts à faire la guerre et à nuire » [3].

D’abord ils cherchèrent plutôt à se soustraire à une intimation fâcheuse qu’à entrer en lutte. Le serment était sans doute obligatoire sous des peines très graves. C’est probablement encore par faveur qu’Hérode se contenta de les condamner à une amende, que la femme de Phéroras paya pour eux. Pour témoigner leur gratitude à cette

  1. Publié en 1900 par M. Cumont, d’après une copie d’Anthérios, évêque d’Amasia. Voici le début de cette formule restituée avec certitude : Ὀμνύω Δία, Γῆν, Ἥλιον, θεοὺς πάντας καὶ πάσας καὶ αὐτὸν τὸν Σεβαστόν, εὐνοήσειν Καίσαρι Σεβαστῶι καὶ τοῖς τέκνοις ἐγγόνοις τε αὐτοῦ πάντα τὸν τοῦ βίου χρόνον καὶ λόγωι καὶ ἔργωι καὶ γνώμηι, φίλους ἡγούμενος οὓς ἂν ἐκεῖνοι ἡγῶνται ἐχθρούς τε νομίζων οὓς ἂν αὐτοὶ κρίνωσιν, ὑπέρ τε τῶν τούτων διαφερόντων μήτε σώματος φείσεσθαι μήτε ψυχῆς μήτε βίου τέκνων, ἀλλὰ παντὶ τρόπωι ὑπὲρ τῶν ἐκείνοις ἀνηκόντων πάντα κίνδυνον ὑπομενεῖν.
  2. Ce serment a très bien pu être accompagné d’un recensement, celui dont parle Luc, ii, 2. La question ne nous paraît pas tranchée dans le sens de la négative aussi résolument qu’à M. Schürer ; elle entre plutôt dans une nouvelle phase si l’on tient plus de compte de l’événement dont nous parlons en ce moment.
  3. On a essayé de traduire ce passage difficile à rendre d’après le texte de l’édition Didot. Celui de Niese est pour moi inintelligible. Celui de Schürer est bon, mais suppose une correction qui ne paraît pas indispensable. L’apparatus de Niese permet de se contenter du texte Didot.