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n’était pas mentionnée expressément, elle était assurément partie intégrante et importante de leur loi religieuse. L’interdire sans songer aux Juifs eût été une insigne étourderie ; braver les Juifs, une imprudence et un crime politique. Hadrien et son conseil de jurisconsultes ne peuvent en être accusés sur le seul témoignage de Spartien, qui d’ailleurs suppose l’interdiction dirigée expressément contre les Juifs[1].

Le Digeste attribue à Hadrien deux décisions relatives à la castration, aucune sur la circoncision. La législation d’Antonin marque un progrès signalé dans le sens de l’humanité. Il applique à ceux qui circoncisent les mêmes peines qu’Hadrien avait édictées contre ceux qui font des eunuques : mais il a soin d’excepter les Juifs[2].

Ce n’est pas à dire qu’une fois la lutte engagée, les soldats romains n’aient traité rudement les Juifs. En pleine guerre, la circoncision, qui perpétuait une race détestée, fut certainement regardée comme un crime capital. Et c’est ainsi que s’expliquerait le souvenir conservé par Spartien, comme la joie des Juifs lorsque l’édit d’Antonin consacra par un texte positif l’exception constituée en leur faveur. C’était, à leur égard, un véritable édit de tolérance.

Il nous est donc impossible d’admettre que les Juifs furent poussés à la guerre par la brutalité d’Hadrien, ou, chose plus improbable encore, par l’incurie d’un empereur dilettante qui aurait su bien mal son métier.

Mais alors quelles furent les causes de la guerre ? Peut-être, avons-nous dit, la fondation d’Aelia. Mais elle a pu aussi bien éclater sans cause, c’est-à-dire sans provocation officielle du côté des Romains. Les Juifs n’en ont point mis en avant qui fussent sérieuses. Il n’y en eut pas non plus sous Trajan. La vraie cause fut sans doute dans les deux cas leur extrême exaltation, et, pourquoi ne pas le dire ? leurs espérances messianiques, surexcitées par leurs malheurs, et dont le terme parut marqué lorsqu’il se fut écoulé soixante ans depuis la ruine du Temple.

L’assujettissement, ne comportât-il que des tracasseries et des abus particuliers, était une cause permanente de révolte pour un peuple qui se croyait appelé par Dieu non seulement à la liberté, mais à l’empire du monde.

Si la guerre ne dut pas son origine à une poussée messianique,

  1. Ce que M. Schürer n’admet pas.
  2. On dispensait pour chaque cas les enfants égyptiens de race sacerdotale ; cf. Schürer, l. l., p. 678, note 84.