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çaient. Ils se donnèrent à lui et furent les plus ardents parmi ses premiers auxiliaires (Ansar).

On cite deux docteurs juifs qui se convertirent à l’Islam : la masse se montra réservée, puis franchement hostile. Pendant longtemps Mahomet espéra les gagner[1] et il les comprit dans sa première charte, avec leurs clients et amis, c’est-à-dire peut-être avec leurs prosélytes plus ou moins convertis[2]. On sait comment la défection des Corayzha et l’atroce massacre de toute la tribu mit entre le judaïsme et l’Islam un souvenir de haine et de vengeance. Ces Juifs surent mourir fidèles à leur foi et ils avaient, comme leurs ancêtres au temps des Macchabées, refusé de combattre un jour de sabbat. Cependant Mahomet ne renonça pas à se rattacher aux prophéties et à l’attente des Juifs. Ce n’est pas ici le lieu de montrer que sa mission est une page, la plus inattendue et la plus décevante pour les Juifs, des antiques espérances messianiques[3]. C’était bien le Messie guerrier qu’ils avaient rêvé, mais il n’était pas de leur race. Son triomphe leur coûta cher. Les anciens seigneurs des châteaux des environs de Médine ne furent même pas tolérés comme fermiers des musulmans. L’Arabie ne devait avoir qu’une religion ; Juifs et chrétiens en furent chassés.


V. — ÉPILOGUE.


Israël a toujours eu foi en ses destinées. Son histoire est avant tout celle de la fidélité d’un peuple à sa Loi religieuse, c’est aussi celle de ses déceptions messianiques. Ce n’est pas le lieu de les raconter toutes ici. On ne peut que constater par quelques traits la perpétuité de la tradition, toujours la même, malgré les modifications imposées par le temps.

C’est ainsi que la Rome chrétienne s’est substituée à la Rome de

  1. M. Marmorstein qui date de ce moment la petite apocalypse des signes du Messie, explique la surexcitation qu’elle suppose en alléguant que « peut-être des renseignements venus de la Mecque apportèrent-ils la nouvelle que Mahomet était favorable aux juifs » (Rev. des études juives, t. LII, p. 180).
  2. « Les Juifs forment avec les musulmans un seul corps de nation… Ils professeront librement leur religion, comme les musulmans la leur. Les clients et amis de ces Juifs jouiront eux-mêmes d’une entière sécurité » (Caussin de Perceval, III, p. 23). Il n’est pas question des clients des musulmans.
  3. Le messianisme juif aurait exercé encore une très sérieuse influence sur les destinées ultérieures de l’islamisme, s’il était vrai, comme le prétend M. Friedländer (dans les Mélanges dédiés à M. Berliner, Francfort, 1903 : L’idée messianique dans l’islamisme), que cette idée est à l’origine de la doctrine des Chiites. Ali, en effet, a bien les traits d’un Messie ; cf. Carra de Vaux, Le Mahométisme, Paris, 1898, et Revue des ét. juives, t. XLVII, p. 137.