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dant dant tout ce qu’ils possédaient, abandonnant joyeusement leurs demeures pour aider à restaurer le nouvel état juif »[1].

De nos jours, — pour la première fois, — l’idéal juif se dédouble. Pendant que nous voyons des Juifs fidèles affluer à Jérusalem de tous les points du globe, Espagne et Portugal, Maroc et Algérie, Allemagne, Pologne, Russie, Yémen, pour reconstituer de leurs éléments dispersés une Sion nouvelle, d’autres déclarent, comme M. Maurice Bloch, que : « La nouvelle Jérusalem sera partout où triomphera l’idée française de la Révolution ». Ceux-là, comme leurs pères, sont très attentifs aux signes, mais ils ne les cherchent plus au ciel.

Arrivé au terme de cette étude, si l’on ramasse les éléments d’une impression générale, c’est le mot de saint Paul qui se présente à l’esprit : Judaei signa petunt, les Juifs demandent des prodiges. Et il paraît alors si neuf qu’on croit ne l’avoir jamais lu, si profond qu’on ne saurait dire si jamais personne a mieux résumé en trois mots la situation la plus complexe. Les Juifs attendaient des prodiges. Voilà bien la note dominante de leur pensée. Est-ce à cette attente générale que Jésus a voulu répondre ? l’opinion courante dans laquelle il se serait placé ?

Les Apôtres ont opposé nettement leur solution inattendue, disant avec saint Paul : nos autem praedicamus Christum crucifixum[2].

Le judaïsme compte encore aujourd’hui, parmi tant de personnes abandonnées à un messianisme moins chimérique, mais encore plus matériel que celui de leurs ancêtres, beaucoup d’âmes éprises d’un autre idéal, pétries par la douleur, et anxieuses de leur salut. Elles ne sont même plus tentées de rêver au Messie guerrier vers lequel ont soupiré à la fois leur peuple, leurs voyants et leurs docteurs ; puissent-elles reconnaître le vrai Messie en Jésus crucifié !

  1. Loc. laud., p. 306.
  2. I Cor. i, 22.