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tracassière, eût été beaucoup plus tolérable que celle des Hérodes[1], si elle n’avait trop souvent méconnu les justes susceptibilités religieuses des Juifs. Il était d’autant plus difficile aux Romains de dissimuler leur mépris pour la religion juive mal comprise, qu’ils ne pouvaient ignorer l’immense dédain de leurs sujets pour les dieux de Rome.

De leur côté les Juifs, comptant sur les chartes formelles qui garantissaient leur liberté religieuse, présentaient volontiers toutes les vexations ou les insultes comme une atteinte de principe contre leur religion[2]. C’est sous Ponce Pilate que les querelles prennent nettement ce caractère. Il veut faire hiverner des troupes à Jérusalem avec des enseignes où était figurée la tête de César ; c’est une offense, puisque la loi interdit les images. Il amène de l’eau à Jérusalem, mais c’est aux frais du trésor sacré, et par conséquent un sacrilège. Aussi est-ce sous Pilate que les charlatans entrent en scène. Un imposteur[3] promet de montrer au sommet du Garizim les vases sacrés déposés par Moïse. Pour cela il faut être en nombre, et monter en masse. Pilate n’a pas tort de soupçonner que l’agitateur veut se créer une bande, et, selon sa manière, il massacre et exécute.

Ce fut bien pire lorsque Caligula eut l’idée insensée de placer sa statue dans le temple de Jérusalem pour y être adoré. Cette fois les Juifs furent sauvés par le bon sens de Pétrone, gouverneur de Syrie, et par la mort du tyran.

Le règne d’Agrippa Ier fut un temps d’accalmie pour les Juifs[4]. C’était la reconstitution de la monarchie hérodienne en faveur d’un prince descendant par Mariamne de la maison des Asmonéens, et si fervent pour la Loi qu’il ne passait pas un jour sans sacrifier. Le bienfaiteur d’Agrippa, Claude, était encore plus favorable que César et Auguste aux Juifs de la diaspora ; ce fut vraiment leur âge d’or.

  1. Sauf peut-être Philippe, prince assez débonnaire et, au demeurant, à moitié païen.
  2. C’était bien une grave offense dans l’ordre religieux que l’action du soldat romain qui brûla et outragea les livres saints, mais aussi fut-il frappé de la hache (Ant., XX, v, 4) ; une insulte grossière d’un soldat qui montra son derrière au peuple fut considérée comme un outrage à Dieu même, parce que le peuple était dans le Temple, et occasionna la mort de plusieurs milliers de Juifs (Ant. XX, v, 3 et, avec des variantes, Bell. II, xii, 1).
  3. Ant. XVIII, iv, 1. Josèphe ne le nomme pas. On a cru que c’était Dosithée ; cf. S. Krauss, Dosithée et les Dosithéens, dans la Rev. des ét. juives, t. XLII, p. 27-42. Il est certain qu’Origène, très sobre sur les faux Messies, dit cinq fois que Dosithée s’est donné comme Messie ou même comme fils de Dieu ; cf. Contra Cels. i, 57 et vi, 11 ; comm. ser. c. 33 ; hom. 25 in Luc. ; in Jo. xiii, 27. Dosithée est donc du moins le type du faux Messie, et à ce titre il méritait d’être nommé ici.
  4. Éloge enthousiaste de Josèphe (Ant. XIX, vii, 3) qui trouve très innocent dans Agrippa ce qu’il a fortement blâmé chez Hérode, le penchant pour les jeux de l’amphithéâtre.