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Cependant, à la mort d’Agrippa, on empêcha l’empereur de donner ses états à son fils trop jeune. Ils furent réunis à l’empire, et la tragédie commença qui devait se dénouer par la ruine de Jérusalem. Il ne peut être question d’en esquisser ici même les grands traits, mais seulement de relever les épisodes où l’intervention surnaturelle de Dieu promise et espérée suggère la mise en action du messianisme, au moins dans un sens large.

Sous le procurateur Fadus, un certain Theudas, un imposteur, persuade à une foule nombreuse de le suivre, avec tout ce qu’elle a, dans la direction du Jourdain. Il prétendait être prophète et annonçait que le fleuve se fendrait sur son ordre pour leur fournir un passage facile. Il est clair qu’il n’a pas convoqué le peuple seulement pour assister à un miracle. Il veut, nouveau Josué, reproduire la scène du passage du Jourdain, et conduire sa bande à Jérusalem, où il a sans doute l’intention de se faire proclamer roi. Fadus le fait attaquer, et on porte sa tête à Jérusalem.

L’empire ne pouvait pactiser avec ces révolutionnaires ; mais quand les Juifs réclamaient par les voies légales, ils obtenaient le plus souvent satisfaction ; le soldat qui avait mis en pièces la thora fut exécuté, ainsi que Celer, tribun qui avait pris parti pour des Samaritains pillards ; le procurateur Cumanus fut envoyé en exil[1].

Claude était demeuré très attaché aux princes hérodiens, et par eux à la nation dont ils plaidaient la cause. Néron se montra généreux pour Agrippa II, mais laissa les mains libres à ses procurateurs. Dès lors le désordre redoubla. « Le pays, dit Josèphe dans les Antiquités, était plein de brigands et d’imposteurs, qui trompaient la foule » [2]. Dans la Guerre il avait accentué l’enthousiasme religieux des séditieux. Si leurs chefs ont les mains plus pures que les Sicaires, leur esprit est encore plus perverti et ils sont plus dangereux pour le peuple qu’ils séduisent : « Car des hâbleurs et des charlatans, sous prétexte d’inspiration divine, profitant des révolutions et des changements, persuadaient à la foule de s’abandonner à un transport sacré, et les conduisaient dans le désert, comme si Dieu devait leur y donner des signes de liberté » [3].

Un des plus célèbres de ces imposteurs était venu d’Egypte, probablement par le pays d’Édom et l’au-delà du Jourdain. « Il se donna comme prophète et rassembla 30.000 hommes égarés par lui ; il les amena du désert au Mont nommé des Oliviers, se proposant de passer

  1. Ant. XX, v, 4 ; XX, vi, 2 et 3.
  2. Ant. XX, viii, 5.
  3. Bell. II, xiii, 4 ; cf. Ant. XX, viii, 6.