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de force à Jérusalem, de vaincre la garnison romaine et d’exercer la tyrannie sur le peuple avec l’aide de ses satellites » [1]. D’après les Antiquités[2], il promettait que les murs de la ville tomberaient à son commandement ; c’était donc encore un nouveau Josué, avec le souvenir des trompettes de Jéricho.

Félix les surprend, en tue quatre cents ; l’Égyptien disparaît. Les brigands qui tenaient la campagne n’étaient point des voleurs ordinaires ; ils appelaient le peuple à l’indépendance.

Nouvelles tentatives sous Porcius Festus, successeur de Félix : un charlatan promettait le salut et la fin de tous les maux si on voulait le suivre dans le désert[3]. On le tue. Toutes ces folles entreprises étaient donc facilement réprimées. Il est clair que les meneurs n’auraient jamais réussi à soulever la nation simplement en promettant des prodiges. Dans l’affaire de l’Égyptien, on vit même le peuple de Jérusalem prêter main forte aux armées romaines. Et, d’autre part, il est vraisemblable que la révolte n’aurait jamais éclaté, générale, formidable, résolue à tout braver et à tout souffrir, si le sentiment religieux n’avait été en jeu. C’est Josèphe lui-même, si soucieux de dissimuler le rôle du messianisme dans toute cette affaire, qui lâche le mot et qui dit tout net : « ce qui les excita le plus à la guerre, ce fut un oracle équivoque semblablement trouvé dans les saintes Lettres, que vers ce temps-là quelqu’un venu de leur pays gouvernerait toute la terre » [4]. Josèphe, nous l’avons vu, ne se risque ici à confesser cet oracle que parce qu’il le déclare ambigu et qu’il l’applique à Vespasien. Son aveu n’en est pas moins à retenir.

Les espérances messianiques furent donc une des causes principales, Josèphe dit même la cause principale, de la guerre. Dans quel sens ?

La guerre de l’indépendance ne fut point une entreprise réfléchie, menée par les chefs naturels de la nation, les familles des grands prêtres, l’aristocratie et les docteurs de la Loi. Elle débuta par une explosion populaire trop justifiée par les exactions de Gessius Florus. Pareil fait s’était vu déjà, et la paix pouvait être facilement rétablie. Josèphe accuse Gessius Florus d’avoir tout fait pour amener une conflagration générale ; le procurateur risquait donc d’être sacrifié

  1. Bell. II, xiii, 5.
  2. Ant. XX, viii, 6.
  3. Ant. XX, viii, 10.
  4. Bell. VI, v, 4 : Τὸ δʹ ἐπᾶραν αὐτοὺς μάλιστα πρὸς τὸν πόλεμον ἦν χρησμὸς ἀμφίβολος ὁμοίως ἐν τοῖς ἱεροῖς γράμμασιν, ὡς κατὰ τὸν καιρὸν ἐκεῖνον ἀπὸ τῆς χώρας αὐτῶν τις ἄρξει τῆς οἰκουμένης. C’est le texte de Niese. Le plus grand nombre des manuscrits et Eusèbe, Hist. eccl. III, 8, 10, éd. Schwartz, ont τις αὐτῶν, mais αὐτῶν τις est plus satisfaisant comme sens et plus équivoque.