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tractée avec le peuple, Dieu devait, d’après Jérémie, substituer une alliance imprimée par Dieu dans le cœur de chacun[1]. Cette parole rompait avec le collectivisme de l’ancienne solidarité, et manifestait le lien direct et personnel qui existe entre Dieu et chaque âme. Lorsque les Juifs viennent se plaindre à Ezéchiel que Dieu n’est pas juste, puisqu’il punit les enfants pour les fautes des pères, en frappant tout Israël quand il n’était pas le plus coupable : « les pères mangent du verjus, et les dents des fils en sont agacées »,… le prophète répond : « Je suis vivant, dit le Seigneur Iahvé ; vous n’aurez plus à répéter ce proverbe en Israël. Toutes les âmes sont à moi ; l’âme des fils comme l’âme du père est à moi ; l’âme qui pèche sera celle qui mourra » [2]. Si admirable que soit l’expression : « toutes les âmes sont à moi », la doctrine d’Ézéchiel n’était pas complète : ne faisant aucune allusion distincte à la vie future, elle pouvait laisser croire que toute justice était rendue à l’individu dès cette vie. C’était bien l’opinion des amis de Job. Mais le problème une fois posé, il suffisait d’un regard jeté sur le monde pour s’apercevoir qu’il n’est pas résolu ici-bas. La conscience morale, pleinement confiante en la justice de Iahvé, exigeait une rétribution après la mort, au cours de cette survivance dont les Israélites n’avaient jamais douté. Et l’espérance du pieux Israélite avait encore un fondement plus assuré que la justice de son Dieu. Pendant cette vie, il avait cherché Iahvé de toute son âme et il l’avait trouvé. Iahvé à son tour le prendrait avec lui dans sa gloire. C’est la confiance du Psalmiste[3] :

Pour moi, je suis toujours avec toi ;
tu m’as pris la main droite,
tu me conduis selon tes desseins,
et après tu me prendras en gloire.

Ce passage n’est pas isolé dans l’Ancien Testament. Ce n’était pas encore la nouvelle alliance, effusion complète de la charité de Dieu, provoquant la charité dans le cœur de l’homme ; cependant les anciens écrits inspirés contiennent plus d’une manifestation de cette tendresse de cœur pour Dieu qui est le fruit le plus exquis de la religion. Or nous n’avons pas su en trouver dans les apocalypses un seul accent vraiment sincère. Naturellement il y est beaucoup question pour les élus d’être auprès de Dieu, ou plutôt chez Dieu, d’être bénis

  1. Jér. xxxi, 31-34.
  2. Ez. xviii, 3 s.
  3. Ps. lxxiii, 23 s. ; cf. RB., 1905, p. 195.