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trouver, il faut faire un long voyage ; encore le plus souvent ne daigne-t-il pas parler lui-même, il a ordinairement un interprète qui est un ange. Hénoch, enlevé par les vents, approche d’un palais en pierres de grêle, entouré de flammes, habité par des Chérubins. Ce n’est point encore la demeure de Dieu. Il arrive enfin devant une maison, bâtie en langues de feu, et en tout si excellente, en magnificence, en splendeur et en grandeur, qu’on ne peut la décrire : « Son sol était de feu ; des éclairs et le cours des étoiles (formaient) sa partie supérieure, et son toit, lui aussi, était de feu ardent » [1]. C’était encore relativement simple ; dans l’Hénoch slave, dans l’apocalypse d’Abraham, l’itinéraire est beaucoup plus compliqué.

Si la religion a pour but d’unir l’homme à Dieu, on ne peut que regretter l’ancien Dieu d’Israël, qui était toujours au milieu de son peuple. Cet éloignement est-il compensé par un caractère plus marqué de spiritualité ? Mais c’est précisément parce que Dieu est esprit qu’il est présent partout et agit en tout. Le livre des paraboles d’Hénoch nomme avec emphase Dieu le Seigneur des Esprits[2], probablement pour donner à entendre que les Ṣebaôth du Dieu d’Israël sont des anges, mais cela ne marque pas sa propre spiritualité d’un trait plus net. Le Dieu de l’apocalyptique ne pouvait être que le Dieu d’Israël, unique, tout-puissant, très sage, juste et rémunérateur. Il faut le dire à sa louange : elle ne s’est point écartée de l’orthodoxie juive d’une seule ligne. Les traits particuliers qu’elle lui donne sont ceux d’un roi, habitant un palais inaccessible, d’une incomparable majesté et qui gouverne par ses ministres ; il est moins vivant et moins agissant que le Dieu des patriarches ; est-il davantage le type de la perfection morale ? on ne peut s’en rendre compte que d’après ses rapports avec l’homme.

L’apocalyptique, et c’est encore son honneur, s’est préoccupée de l’homme comme être moral individuel, ayant sa place dans le monde et dans les desseins de Dieu. Ce n’était point chose nouvelle[3]. Le principe était supposé par toute l’ancienne histoire et il avait été posé explicitement par Jérémie et par Ezéchiel[4]. A l’alliance écrite con-

  1. Hénoch éth. xiv, 7.
  2. Cette expression si fréquente ici (104 fois d’après M. Charles) se trouve encore II Macch. iii, 23-24. C’est tout ce qu’on cite d’ordinaire. Il faut cependant ajouter une inscription du premier siècle après J.-C. : ἐπικαλοῦμαι καὶ ἀξιῶ τὸν | Θεὸν ὕψιστον, τὸν κύριον τῶν πνευμάτων | καὶ πάσης σαρκός (Dittenberger, Sylloge, n° 816).
  3. M. Löhr a réagi avec raison contre un préjugé trop répandu, dans sa petite brochure : Sozialismus und Individualismus im Alten Testament ; Giessen, 1906.
  4. Charles, A critical history of the doctrine of a Future Life, p. 51-81.