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de Dina contre les Sichémites, Si le sacerdoce lui est accor_dé, à lui et à sa race, c’est en récompense de ce haut fait, comme le livre des Jubilés le dit encore plus expressément[1]. La prise de Sichem, cette cité des sots[2], fut aussi l’un des principaux exploits de Jean Hyrcan. Il y a là une concordance qui ne peut être fortuite, qui date notre livre, et explique la glorification de Lévi, comme guerrier et comme prêtre.

Jusqu’ici nous sommes pleinement d’accord avec M. Charles. Faut-il le suivre encore lorsqu’il range parmi les gloires promises à la tribu sacerdotale un Messie-roi, selon le thème traditionnel, changé seulement en cela qu’il n’est plus fils de David, mais descendant de Lévi ? Nous ne le croyons pas, parce que tous les passages allégués ne peuvent avoir ce sens si on retranche les interpolations chrétiennes, qu’on a toujours le droit de supposer dans cet ouvrage, et si on maintient les textes contre des corrections peu justifiées. On trouvera en note la discussion de tous ces cas[3], sauf le plus important sur lequel il faut insister ici.

  1. Jubilés, xxx, 18.
  2. Lév., vii, 2 : Ἔσται γὰρ ἀπὸ τῆς σήμερον ἡ Σύκημα λεγομένη πόλις ἀσυνέτων… Cf. Sir. i, 26.
  3. Rub., vi, 7-12 : 7. Τῷ γὰρ Λευὶ ἔδωκεν ὁ Θεὸς τὴν ἀρχὴν [καὶ τῷ Ἰούδᾳ μετʹ αὐτοῦ…] 8. Διὰ τοῦτο ἐντέλλομαι ὑμῖν ἀκούειν τοῦ Λευί, ὅτι αὐτὸς γνώσεται νόμον Θεοῦ, καὶ διαστελεῖ κρίσιν καὶ θυσιάσει ὑπὲρ τοῦ Ἰσραὴλ μέχρι τελειώσεως χρόνων ἀρχιερεὺς Χριστός, ὃν εἶπεν ὁ Κύριος… 10. Καὶ πρὸς τὸν Λευὶ ἐγγίσατε ἐν ταπεινώσει καρδίας [ὑμῶν], ἵνα δέξησθε εὐλογίαν ἐκ τοῦ στόματος αὐτοῦ. 11. Αὐτὸς γὰρ εὐλογήσει τὸν Ἰσραὴλ καὶ τὸν Ἰούδαν· ὅτι ἐν αὐτῷ ἐξελέξατο Κύριος βασιλεύειν ἐνώπιον παντὸς τοῦ λαοῦ. 12. Καὶ προσκυνήσατε τὸ σπέρμα αὐτοῦ, ὅτι ὑπὲρ ὑμῶν ἀποθανεῖται ἐν πολέμοις ὁρατοῖς καὶ ἀοράτοις. Καὶ ἐν ὑμῖν ἔσται βασιλεὺς αἰώνιος. – Ce passage très important peut s’entendre de deux façons. Si Juda est authentique au v. 7 – et il n’y a pas de raison de le rejeter, puisque Juda est souvent nommé après Lévi, – le pouvoir est partagé, Lévi a le sacerdoce, Juda la royauté. Ce qui milite pour ce sens, c’est qu’au v. 11 ἐν αὐτῷ doit se rapporter à Juda. On ne comprend pas, en effet, comment Lévi bénit Israël et Juda, parce que lui-même doit posséder la royauté : la bénédiction donnée à un autre, Israël réduit à Juda, explique comment Juda aura la royauté. C’est d’ailleurs ainsi qu’a compris le traducteur slavon qui a ajouté une longue interpolation pour appliquer au Christ la promesse royale faite à Juda. Dans ce premier sens, il est clair que le Messie ne vient pas de Lévi.

    Si l’on admet avec M. Charles qu’au v. 11 ἐν αὐτῷ doit s’entendre de Lévi, on voit bien que la royauté lui est promise en même temps que le sacerdoce. Les premiers Asmonéens mourront dans les guerres saintes, visibles et invisibles, car, dans les cieux, on a combattu pour eux, et peut-être aussi contre eux. Mais cette lignée royale n’aboutit à un roi éternel ou à un Messie, que dans le texte grec. L’arménien, qu’on reconnaît pour être moins retouché dans cette direction, a ἔσονται ἐν ὑμῖν βασιλεῖς αἰώνιοι, ce qui promet simplement la durée indéfinie à la dynastie, sans nuance messianique personnelle. Nous aurions donc seulement le messianisme collectif lévitique ou asmonéen, si on peut employer ces termes.

    Lév., viii, 14 : Ὁ δὲ τρίτος ἐπικληθήσεται αὐτῷ ὄνομα καινόν, ὅτι βασιλεὺς ἐκ τοῦ Ἰούδα ἀναστήσεται καὶ ποιήσει ἱερατείαν νέαν, κατὰ τὸν τύποπν τῶν ἐθνῶν εἰς πάντα τὰ ἔθνη. Pour trouver en cet endroit un sens messianique lévitique, M. Charles change ἐκ τοῦ, donné par tous les manuscrits grecs, en ἐν τῷ, la leçon de l’arménien équivalant soit à ἐκ τοῦ, soit