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Le Testament de Lévi contient deux psaumes. Le premier se tient complètement dans la ligne du sacerdoce lévitique, tel que l’entendaient les Juifs[1]. Il n’offre donc aucun intérêt spécial. Il n’en est pas de même du second, véritable hymne en l’honneur du sacerdoce nouveau, et, à ce qu’il semble, d’un certain grand prêtre qui en posséderait éminemment toutes les prérogatives[2]. D’après M. Charles, il s’agit de Jean Hyrcan, représentant le Messie lévitique de l’avenir[3] ; d’après M. Bousset, le poème n’est pas proprement messianique, et cependant il décrit un grand prêtre messianique investi d’une puissance surnaturelle[4].

Voici ce morceau, assurément très remarquable.

    à ἐν τῷ. Mais il est assez clair que βασιλεὺς… ἀναστήσεται est une interpolation chrétienne qui rompt le contexte, car il était question de trois séries de prêtres:la dernière, celle des Asmonéens, inaugure un sacerdoce nouveau (avant de prendre la dignité royale !), selon la manière des nations, c’est-à-dire, probablement, selon l’ordre de Melchisédec, type du sacerdoce des Gentils dans le Ps. cx.

    Jud., xxiv, 1-3. Le texte grec est manifestement chrétien. M. Charles ne peut le nier qu’en alléguant sa ressemblance avec Lév., xviii ; mais précisément l’origine de ce chapitre est fort douteuse. L’arménien, plus sobre, me paraît encore purement chrétien; qu’on en juge : Καὶ μετὰ ταῦτα ἀνατελεῖ τὸ ἄστρον εἰρήνης, τοῦ ἡλίου δικαιοσύνης καὶ συμπορεύσεται ἀνθρώποις ἐν πραότητι καὶ δικαιοσύνῃ. 2. Καὶ ἀνοιγήσονται αὐτῷ οὐρανοὶ καὶ ἐκχυθήσονται εὐλογίαι πατρὸς ἁγίου ἐπʹ αὐτῷ, καὶ αὐτὸς ἐκχεεῖ ἐφʹ ἡμᾶς πνεῦμα χάριτος. 3. Καὶ ἔσεσθε αὐτῷ εἰς υἱοθεσίαν ἀληθείας… ! D’ailleurs tout cela est dans le testament de Juda. Où M. Charles a-t-il pris que Verses 1-3 refers to the Messiah from Levi ?

    Dan, v, 10-13. Ce passage est un peu long pour être cité en entier. Les vv. 11 et 12 paraissent décidément chrétiens. Les vv. 10 et 13 font allusion aux guerres heureuses des Macchabées, couronnées par la présence du Seigneur. Ces deux versets ne mentionnent pas de Messie personnel.

    Jos., xix, 5-9. Ici le procédé de M. Charles est tout à fait radical. Tous les textes et les versions attribuent la prééminence peut-être messianique au quatrième animal, c’est-à-dire à Juda. Pour avoir Lévi, M. Charles met troisième. Tout le passage est d’ailleurs fortement interpolé.

    M. Charles n’a pas produit Lév., iv, 1-3, assez frappant au premier abord, parce que Lévi y est spécialement fils de Dieu et serviteur et ministre du culte dans un contexte qui débute par une description apocalyptique du jugement. Le sens général paraît être que les prérogatives de Lévi dureront jusqu’à ce moment, sans allusion à une personnalité distincte.

  1. Ch. xiii, sauf le v. 5 qui est une interpolation chrétienne : « afin que ce vous soit un trésor dans le ciel » ; quand tout le reste ne parle que de la récompense terrestre.
  2. Lév., xviii.
  3. Charles, ad. h. l.
  4. Zeitschrift für die neut. Wissenschaft, 1900, p. 172. Les deux savants sont d’accord pour y trouver des interpolations chrétiennes. L’émondage de M. Bousset, beaucoup plus vigoureux, laisse subsister un fond dont on reconnaîtra plus volontiers qu’il peut être juif, mais nous allons dire qu’il faut aller plus loin encore dans la voie des retranchements. D’ailleurs M. Bousset reconnaît qu’après son travail d’élimination, So wie er dasteht, ist er nämlich nicht eigentlich messianisch. De plus, un peu effrayé de la sublimité de ce grand prêtre messianique, il propose de regarder Dieu comme le sujet de toute la fin (contre M. Charles et le contexte).