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11.Et il donnera aux saints de manger de l’arbre de vie[1],
et l’esprit de sainteté sera sur eux.
12.Et Béliar sera emprisonné par lui[2],
et il donnera à ses enfants de marcher sur les esprits mauvais[3].
13.Et le Seigneur sera dans l’allégresse à cause de ses fils,
et il se complaira en ses bien-aimés jusqu’à la fin.
14.Alors Abraham tressaillera et Isaac et Jacob,
et je serai dans la joie, et tous les saints revêtiront la justice.

Il serait imprudent de s’appuyer sur le rythme pour discerner les interpolations. Au début on dirait que les stiques vont trois par trois ; à la fin ils sont rangés deux par deux.

Faut-il admettre, avec M. Charles, que le héros du poème est Jean Hyrcan, salué comme prêtre, comme roi, et comme prophète ? On lui accordait de son temps ces trois prérogatives[4]. Le poète ferait même au verset 6 une allusion très spéciale à la révélation qu’il eut dans le temple, pendant que ses fils combattaient Antiochus Cyzicenus[5]. Mais M. Bousset a reconnu dans ce passage bien des traits chrétiens. Si on enlève « les cieux ouverts » et « la voix paternelle » qui rappellent si clairement le baptême de Jésus, il n’y a plus de révélation. Par ailleurs le temple peut très bien être le ciel.

Le sacerdoce sans successeurs[6], la conversion des Gentils et la réprobation des Juifs, Béliar enchaîné, les mauvais esprits foulés aux pieds, sont autant de traits chrétiens.

Le reste ne détonnerait pas dans une hymne chrétienne, même l’hommage rendu par Lévi au prêtre éternel descendu de Juda ; cependant il est plus naturel de rattacher le début (2-5) et la fin (13-14) au livre juif. Il resterait encore la glorification du sacerdoce nouveau, paré d’un éclat royal, et orné de teintes messianiques, la joie du Seigneur qui se complaît désormais dans ses fils, les enfants d’Israël, avec l’annonce voilée de la résurrection des patriarches. C’est précisément ce qu’on peut attendre d’un juif de cette époque : les temps prospères sont inaugurés par la dynastie asmonéenne, prélude de la manifestation suprême du Seigneur.

Qu’il y ait là comme une tentative de dériver les anciennes promesses en faveur de la dynastie régnante, on ne saurait le nier, et

  1. Cf. Apoc. xxii, 2.
  2. Cf. Apoc. xx, 2. 3.
  3. Cf. Luc, x, 19.
  4. Voir plus haut, p. 8.
  5. Cf. Josèphe, Ant. XIII, iii.
  6. Cf. Hébr. vii, 23 s.