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dente, confirme ce que nous avons dit des interpolations chrétiennes du psaume lévitique. L’adoption des disciples, après qu’ils ont reçu l’esprit de grâce, est nettement paulinienne. Au contraire, à partir du verset 4 commence l’annonce d’un Messie dont les traits sont empruntés à Jérémie, à Isaïe et à Joël, sans rien qui sorte de l’Ancien Testament, ni qui se rapproche des Psaumes de Salomon.

A une époque plus basse, le Messie davidique paraît dans une tout autre lumière. Ici, comme dans les Jubilés, il ne s’agit que du descendant de Juda, ordinairement placé à côté de Lévi, et au second rang. L’auteur ne voulait, ni offenser ses princes en exaltant le fils de David, ni rompre complètement avec la tradition en passant absolument sous silence les glorieuses espérances de Juda.

Il est encore fait une place au Messie né de Juda dans le testament de Joseph. La vision qu’on y raconte est si incohérente qu’on n’oserait en proposer l’explication, mais il est assez clair que le quatrième bœuf, qui représente Juda, voit d’abord ses deux cornes grandir de façon à devenir le rempart des troupeaux, et enfin une autre corne pousser entre les deux autres[1]. Les deux cornes naturelles paraissent signifier le secours donné par Juda à tout Israël au moment des guerres macchabéennes ; la corne surnuméraire doit représenter le Messie, selon une métaphore déjà connue[2]. On dirait que dans cette vision les cerfs se transforment en brebis, puis en bœufs ; elle serait donc dans le goût de l’allégorie d’Hénoch[3], avec le même souci de faire figurer le Messie, mais sous le voile d’un symbole.

C’est tout, car nous ne pouvons faire entrer en ligne les annonces par trop évidentes de l’Incarnation. Elles figurent ordinairement dans les endroits où est prédite la venue de Dieu sur la terre, pour expliquer que Dieu viendrait dans la chair.

Primitivement on ne songeait qu’à une théophanîe qui inaugurerait le monde futur. Voici un passage caractéristique, où la distinction se fait sans trop de peine[4].

Jérusalem ne sera plus vouée à la désolation,
et Israël ne sera plus captif,
parce que le Seigneur sera au milieu d’elle [conversant avec les hommes], et le Saint d’Israël régnera sur elle [dans l’humilité et la pauvreté et celui qui croira en lui régnera sur les hommes en vérité].

  1. Jos., xix, 6 : Καὶ τοῦ τετάρτου βοὸς ἀνέϐησαν τὰ κέρατα μέχρι τοῦ οὐρανοῦ καὶ ἐγένοντο ὡς τεῖχος τῶν ποιμνιῶν, καὶ ἐν μέσῳ τῶν δύο κεράτων ἐξεϐλάστησε ἄλλο κέρας.
  2. Ps. cxxxii, 17.
  3. Voir plus loin, p. 80 s.
  4. Dan, v, 13.