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LE POISSON D’OR

qui se portait comme vous et moi. Il fredonnait en rajustant les plis de son ample cravate, et se regardait dans son miroir avec la complaisance d’un bon bourgeois qui fait sa toilette.

— Une autre fois, reprit-il en venant à moi pour prendre congé, je vous dirai la petite anecdote de la quittance… l’affaire de M. Yves Keroulaz… hé, hé !… ça ne manque pas non plus d’intérêt. À tous ces gens-là, il faut tenir la tête au-dessous de l’eau. Mais c’est assez pour aujourd’hui. Bien le bonjour, monsieur Corbière.

Il ma salua fort poliment et se dirigea vers la porte.

Avant de passer le seuil, il hésita, puis il se retourna vers moi, qui restait comme pétrifié. Son regard était craintif et cauteleux ; il eut un rire contraint évidemment sa pensée venait de tourner.

— Vous avez bien compris, n’est-ce pas, jeune homme ? murmura-t-il. Pas un mot de sérieux dans tout cela : histoire de plaisanter, hein ? Je n’ai jamais fait de mal à une mouche. Je vous ai rendu seulement la monnaie de votre pièce pour la fausse quittance que vous m’avez montrée, car elle est fausse, ce n’est pas ma signature. Peine perdue de jouer ce jeu-là avec moi. Les morts ne reviennent pas… et Jeanne de Keroulaz sera ma petite femme, et nous finirons par nous entendre nous deux le grand-papa… hé, hé, hé, j’en réponds !

Il poussa la porte. Je pus suivre son pas dans mon corridor, tandis qu’il allait répétant doucement :

— Bien le bonjour, bien le bonjour ! histoire de plaisanter… Pas un mot de vrai dans tout cela, comme de juste !