neur de me demander : « Comment va M. le comte de Corbière », je n’étais pas même M. de Corbière ; j’étais Corbière tout court, assez bon petit avocat du barreau de Rennes, et l’époque où fut pêché le poisson d’or, j’aurais été l’homme le plus étonné du monde si quelque sorcier breton m’eût prédit que je m’asseoirais un jour sur ce fauteuil, trône des illustres conteurs parisiens.
En l’an de grâce 1376, Jean II, chevalier, sire de Penilis…
— Eh quoi s’écria la duchesse, vos souvenirs de jeunesse remontent-ils vraiment jusque-là, monseigneur ?
— Belle dame, répartit le ministre, votre chère et charmante sœur, la comtesse de Chédéglise, porte mon poisson d’or sur champ d’azur dans son écusson d’alliance, et M. le prince de Talleyrand, votre digne oncle, qui a la bonté de croire en Dieu de temps en temps, quoi qu’on en dise, a tenu pendant toute une soirée le vieux curé de Plœmeur par un bouton de sa soutane pour écouter mieux la légende du merlus du Trou-Tonnerre, que je vais vous raconter ce soir.
Et, à ce propos, vous me permettrez d’autant plus volontiers une petite digression préliminaire, que vous semblez moins curieuses de connaître mon pauvre conte. Le merlus, autrement dit la merluche, est un poisson du genre très commun sur nos côtes de Bretagne et de Normandie ; on l’appelle, à Paris morue fraîche ou cabillaud. Il me paraît donc bien établi, tout d’abord, que le merlus en lui-même n’est pas un personnage fantastique comme les dragons et les mandragnes des récits de chevalerie.
On dit là-bas, en manière de proverbe : « Maigre