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LE POISSON D’OR

— Le Judas est devers le fort ! on l’a vu avec un papier qu’il a volé au mourant. À l’eau le Judas, à l’eau !

Et le galop sourd des pieds nus sur la lande ! et la musique de sabots ! et les grognements de la meute, qui s’enivrait à perdre haleine !

Rien jusqu’au fort, dont les noires murailles coupaient carrément le ciel bleu. J’avais pris à travers champs, abrégeant la route pour savoir plus vite ce qui se passait à Larmor. Rien encore jusqu’au village. Mais, en arrivant aux premières maisons, je vis un homme qui courait, les bras étendus, brandissant un objet blanc au-dessus de sa tête, et criant ;

— Vous ne l’aurez pas ! vous ne l’aurez pas !

Il s’élança sur l’étroite marge qui longe le roc, devant la caserne des douaniers. Derrière lui, une troisième meute détalait ;

— À l’eau le Judas ! à l’eau !

Ils passèrent à cinquante pas de moi comme un tourbillon, et cette fois je reconnus patron Seveno avec son équipage. Ceux-là ne s’étaient pas trompés de piste ; ils chassaient à vue ; ils étaient littéralement sur les talons de leur gibier.

J’appelai de toute ma force, les nommant tous par leurs noms.

— En avant ! en avant ! monsieur l’avocat, dit Vincent auprès de moi. Ils ne vous entendront pas ! ils m’ont battu ! Mais Jeanne veut qu’on le sauve, en avant ! Il est peut-être encore temps d’empêcher un malheur !

Ils l’avaient battu, ou plutôt il s’était battu contre eux, et, grâce à cela seulement, le Judas avait gardé son avance. Je m’accrochai à sa main comme eût