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LE POISSON D’OR

fait un enfant, tant j’étais hors d’haleine, et nous suivîmes nos gens qui atteignaient déjà le môle rustique de Larmor. Derrière nous, le gros de la chasse arrivait en hurlant.

Comme nous atteignions l’extrémité de la douane, le môle et la jetée s’offrirent à nos yeux, brillamment éclairés par la pleine lune. On y voyait, en vérité, comme en plein jour. C’était la grand’marée de juin. La lame énorme déferlait jusqu’au pied des maisons. Ensemble nous étouffâmes un cri et nous nous arrêtâmes : nous arrivions pour voir Bruant « piquer une tête » du haut des roches et disparaître dans la mer.

Il y eut une sauvage acclamation tout le long de la côte ; les uns avaient vu et battaient des mains, les autres applaudissaient de confiance.

« À l’eau le Judas ! à l’eau ! à l’eau ! à l’eau ! »

Il y était à l’eau ; sa tête apparut, noire parmi l’écume du ressac. Quelques-uns lui jetèrent des cailloux, car l’ivresse de la foule est impitoyable. Mais il se moquait de la foule maintenant. Il riait, on l’entendait bien. Il agitait au-dessus de la lame l’objet blanc qu’il tenait à la main, et il répétait avec triomphe :

— Vous ne l’aurez pas ! vous ne l’aurez pas !

Quand nous gagnâmes le rivage, Vincent et moi, la foule était déjà au regret et disait :

— C’est pourtant bête de rejeter le poisson dans l’eau !

Ils se repentaient de n’avoir pas eu l’idée du feu. Bruant était de ces nageurs qui ne coulent pas quand on leur garrote les deux mains et les deux jambes. Pour le mettre au fond, il eût fallu une corde et une roche.

Mais Seveno ! où était Seveno ? Nous le cherchâmes de l’œil ainsi que ses matelots. Aucun d’eux n’était parmi la foule.