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LE POISSON D’OR

— Attention ! cria-t-on de terre.

— Attention ! répéta Bruant, qui exécutait à la crête des lames d’admirables tours de force. Je vais faire le tour de vous de bout en bout, mes fils. Nagez voir comme des marins.

Seveno étouffa un juron.

— Faut pourtant qu’on ait l’écrit ! gronda-t-il.

— L’écrit ne signifie rien, répartis-je, tant que le testateur est vivant.

— Pour sûr, murmura Seveno qui promena un regard interrogateur sur son équipage, on ne veut pas le tuer.

— Quoiqu’il l’a bien mérité, soupira Jean-Pierre.

— Alors, dirent les autres, autant retourner chez la Tabac.

L’avis fut appuyé unanimement. Bruant chantait. Ceux de la côte s’impatientaient et nous injuriaient. Vincent dit :

— Mes enfants, voici les propres paroles de M. Keroulaz, qui est un saint homme et qui va paraître devant Dieu : « Ne laissez pas mourir celui qui est en état de péché mortel ! »

Seveno arrêta le mouvement qu’il imprimait à la barre pour virer de bord. Les matelots murmurèrent :

— Quoique ça, c’est bien vrai qu’il est en état de péché mortel !

— Des pieds jusqu’à la tête, en grand !

— Et plutôt cent fois qu’une !

— Et le grand-père voit en dedans, puisqu’il est pour rendre son âme.

— Hé ho propres à rien ! hêla Bruant. À quand la danse ? Dites au biniou de sonner !

Le biniou l’entendit de terre et emboucha l’air des